Dimanche 22 novembre 2020

Dimanche de l’éternité

Ce dimanche est prévu à la Béthania a St-Imier le culte annuel sous le thème des chrétiens persécutés. Deux personnes de l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture) Suisse seront présentes. Le culte sera enregistré et diffusé en live par YouTube, car il n’est pas accessible au public pour des raisons sanitaires.


Le culte à la Béthania peut être suivi par ce lien en direct dès 10 heures ce dimanche. Il sera aussi possible de le regarder plus tard.

Dimanche 15 novembre 2020

Ce dimanche, nous proposons un moment d’information et de réflexion au sujet de l’initiative « Multinationales responsables » qui est soumise au vote le wee-kend prochain. Le film documentaire Multinationales – l’enquête est proposé ici. Une réflexion sur la motivation, suivie de quelques diapos sur la mise en oeuvre suivront en bas. Tout en bas de la page, vous trouvez un lien vers la cantate du dimanche.

Le film documentaire

Reflexion

Pourquoi nous, en tant que chrétiens, nous engageons-nous en faveur de cette initiative?
Pourquoi les églises s’engagent-elles en faveur de l’initiative Multinationales responsables?

Ces questions sont justifiées, car tout engagement public a besoin d’une bonne raison. Cela dit, il y a aussi des voix qui nient le bien-fondé de cet engagement en disant qu’il s’agit ici d’une question politique et donc de quelque chose qui n’est pas du ressort des églises.

Oui, la foi est une affaire personnelle. Et non, l’engagement auquel la foi donne lieu ne peut éviter de se soucier du bien de la cité et du bien commun. Cela est d’autant vrai lorsqu’il s’agit de populations qui subissent des conséquences néfastes d’une activité industrielle dans leur voisinage, afin que nous puissions jouir d’un confort au dessus de la moyenne. Politique ou pas, ce sont des questions de responsabilité et de justice et cela touche intimement à la foi authentique selon la Bible.

Voici en bref deux éléments de cet engagement: Le premier élément est en lien avec le message biblique; le deuxième élément est en lien avec la mondialisation et comment elle touche à nos convictions en tant que chrétiens-citoyens. Car nous sommes les deux à la fois. Nous ne sommes pas des sujets soumis sans recours à une autorité royale qui se trouve entre nous et Dieu. En tant que chrétien-citoyen, ou citoyen-chrétien, comme vous voudrez, nous sommes responsables de nos actes et de notre voix au sein d’une démocratie plus ou moins directe. Hélas, dans l’organisation humaine, rien n’est parfait, et notre démocratie a beaucoup de défauts et de manquements. Pourtant, nous sommes appelés d’y participer, en tant qu’individus autant qu’en tant qu’associations civiques, ce que sont les églises. Cet ensemble fait la substance de la société civile. Sans elle, il n’y aurait que bureaucratie…

  • La Bible est truffée d’histoires de l’imperfection humaine, voire de la nature corruptible de l’être humain, d’histoires d’injustice et de violence. En même temps, dans le premier comme dans le deuxième testament, les appels à la justice, à la miséricorde et à la bienveillance ne manquent pas, ni les exemples pratiques. En fait, ils sont la colonne vertébrale du message des prophètes. Jésus mettait ces questions au centre: pour lui, le comportement humain envers les faibles et les vulnérables passe avant leur confession ou leur piété. Un pionnier du mouvement évangélique-social aux USA, Jim Wallis, raconte qu’un jour quand il était jeune, il faisait un trou dans sa bible partout où le mot justice apparaît. A la fin, sa bible était devenue inutilisable, tellement elle était trouée. La protection de la personne et de la communauté humaine et son bien-être est primordiale dans la bible, pas seulement dans le Nouveau Testament, mais autant dans l’ancien. Après tout, Jésus serait venu afin que l’humanité aie la vie en abondance (Jean 10,10). Cela compte pour tout être humain.
  • Si la Bible appelle les croyants, celles et ceux qui se réclament de Dieu, à chercher le bien-être – ou le meilleur – de leur cité (Jérémie 29,17), cela veut dire qu’il faut ne pas exclusivement chercher son propre avantage et son propre bien, mais celui de la communauté entière. Car le bien-être de la communauté est intimement lié à mon propre bien-être. Mais hélas, depuis que les navires européens ont traversé les océans et que nous buvons du café venu du Brésil ou de l’Afrique, et que nous vendons nos produits dans le monde entier, le monde est devenu un village, une cité. Nous sommes interdépendant, dépendant les uns des autres. Par conséquence, nous sommes responsables au-delà de nos frontières cartographiques et juridiques. Nous ne pouvons pas prétendre vivre sur une île indépendante qui n’a besoin de personne et n’est redevable à personne. Le futur et le bien-être de nos enfants de de nos petits-enfants est intimement lié au futur et au bien-être des enfants et des petits-enfants de celles et ceux qui vivent là où sont puisés ou récoltés les matériaux qui rendent notre vie quotidienne agréable si tout va bien, ou gérable si tout est normal. Plus encore, le bien-être de nos générations futures est directement lié au bien-être des petits-enfant de nos supposés concurrents ou ennemis. Tel est devenu le monde: une grande communauté humaine, où les uns n’arrivent pas à s’en sortir sans les autres. Ce n’est pas autant une question morale qu’une question de responsabilité personnelle, collective et mutuelle.

En conclusion, nous sommes responsables d’organiser notre vie économique d’une manière à ce que les acteurs qui génèrent une souffrance soient obligés de rendre des comptes et de dédommager les lésés. En fait, c’est simple, un peu comme dans une parabole biblique : Nos actions pratiques bienveillantes et responsables dans une situation économico-sociale où il y a des privilégiés et des défavorisés peuvent devenir des signes du Royaume de Dieu.

Si vous avez encore le temps…

Voici une petite présentation qui explique la mise en oeuvre de l’initiative.

EglisespourIMR_Présentation_Breuleux_201102

Cantate BWV 139 pour ce dimanche

Cliquez ici pour voir et écouter la cantate

Au service authentique pour la bonne nouvelle

Prédication par Hansuli Gerber lors du culte pour le centenaire MCC le 1 novembre 2011 au Geisberg.

Le culte en entier au Geisberg est disponible sous ce lien (1h 40.).

Si vous préférez écouter la prédicaton, vous trouverez sous ce lien la vidéo de la prédication (17 min.)

Introduction

Chers ami.e.s du MCC, chers frères et soeurs, chers collaboratrices et collaborateurs – et anciens du MCC: Seuls quelques-uns sont réunis au Geisberg ce dimanche de la Toussaint. A cause de la Covid-19, le plus grand nombre se trouvera devant un écran, quelque part sur cette belle terre, et éparpillé dans notre monde bien-aimé mais combien confondu et perturbé.
C’est avec une grande joie et un sentiment d’honneur, mais avec humilité aussi, que j’ai accepté l’invitation à donner une prédication ou une réflexion lors de cette célébration du centenaire MCC au Geisberg.
Je me réjouis, car pour moi, MCC a toujours été une source et un catalyseur de joie, comme pour un grand nombre de personnes partout dans le monde.
Je me sens honoré parce que MCC, fondé en 1920, est l’une des plus anciennes organisations non-gouvernementales dans le monde et sans aucun doute l’une des plus respectées, bien que son profil public soit relativement modeste.
J’éprouve un sentiment d’humilité parce que MCC, à part avoir cent ans et être respecté, est depuis toujours engagé au service de la Bonne Nouvelle du Christ, incarnation divine pour toute l’humanité, témoin de l’amour éternel et immuable qu’on ne peut ni vendre ni acheter.


Apport biblique
En guise de prédication, je m’appuie sur une des lectures bibliques de ce dimanche de la Toussaint, 1 Thessaloniciens 2, 1 à 8. Ce texte parle du service de l’évangile pour des motifs authentiques, et cela me semble parfait pour l’occasion, tout en considérant le climat politique ébranlé de nos jours. Car MCC, loin d’être parfait, incarne presque à la lettre l’approche du service chrétien décrite dans ce texte.

Je vais le lire paragraphe par paragraphe, et élaborer quelques aspects évoqués. Afin de faciliter la compréhension orale, je lis la traduction œcuménique, combinée avec la Nouvelle Bible Segond :

Verset 1 : En effet, vous le savez vous-mêmes, frères (et sœurs), l’accueil que nous avons trouvé chez vous n’a pas été inutile.

Le travail du MCC a été utile, en Europe et ailleurs, et il a laissé des traces constructives et durables: En France, vous trouvez aujourd’hui plusieurs maisons ou établissements qui depuis les années 40 ou 50 offrent un accueil en sécurité à des personnes avec un handicap ou à des enfants ou des étudiants. Vous allez aux Pays-Bas et vous rencontrerez des personnes qui se rappellent qu’eux, ou leurs proches, avaient reçu une paire de souliers lors de la pénurie terrible crée par la 2e guerre mondiale. En Europe du Sud-Est, combien de personnes vous diraient leur reconnaissance pour avoir reçu une aide essentielle dans les années quatre-vingt dix lors des guerres dans la région des Balkans. (On pourrait passer la journée à dresser une liste pour les autres continents, l’Afrique, où des milliers ont profité d’une éducation scolaire, en Amérique Latine, où des communautés ont été assistées dans leur réhabilitation, en Asie et au Proche Orient, et j’en passe…)
C’est d’ailleurs ici en Europe que les seaux d’hygiène ont vu le jour, lorsque des populations entières ont dû fuir leurs villages en Bosnie, en Croatie ou en Serbie et que les réfugiés manquaient cruellement d’articles d’hygiène de base. Avec le département des ressources matérielles du MCC, nous avions mis sur pied ce projet des seaux qui tient la route jusqu’à ce jour. Les communautés, ici en Europe et en Amérique du Nord, se mobilisent pour faire parvenir des articles de première nécessité à des communautés totalement démunies.

Verset 2 : Après avoir souffert et avoir été maltraités à Philippes, comme vous le savez, nous avons puisé en notre Dieu l’assurance nécessaire pour vous dire la bonne nouvelle de Dieu au milieu de bien des combats.

En remplaçant les mots “à Philippe” par “en Europe durant et après la réforme et en Russie puis en Union Soviétique”, ce verset reflète l’expérience Mennonite-Anabaptiste, de laquelle MCC est l’expression humanitaire. Le service mis en place par MCC à partir des années 1920, était inspiré par les persécutions et la dispersion des Anabaptistes du 16e et du 17e siècle, par les souffrances des Mennonites pendant la famine en Russie et en Ukraine et par la terreur en Union Soviétique. De ces expériences douloureuses sont nées, entre autre, une motivation et une détermination pour servir celles et ceux qui souffrent aujourd’hui, quel que soit leur contexte politique ou idéologique et malgré les contraintes politiques ou logistiques.

Versets 3 – 6 : Nos encouragements ne reposent pas sur l’erreur, ils ne s’inspirent pas de motifs impurs, ni de la ruse ; verset 4, mais comme c’est Dieu qui nous a éprouvés et approuvés pour nous confier la bonne nouvelle, nous agissons en conséquence, non pas pour plaire à des humains, mais pour plaire à Dieu qui éprouve les cœurs.
Jamais nous n’avons eu de paroles flatteuses, vous le savez, jamais d’arrière-pensée de profit, Dieu en est témoin.
Nous n’avons pas cherché la gloire qui vient des humains, ni auprès de vous ni auprès des autres 

Ce qu’affirme l’apôtre, à ce que je vois, s’applique au MCC. Je me souviens des efforts faits au sein du MCC pour rester authentique et intègre, éviter le spectacle, ne pas succomber à la tentation de la pornographie humanitaire, ne pas se laisser impressionner, ni par le discours de l’état, ni par celui de ses ennemis présumés. On pourrait mentionner les tensions entre les USA et l’Union Soviétique, ou la situation bloquée au Proche-Orient, ou encore les relations entre différentes communautés religieuses en Asie ou ailleurs. Mais cela dépasserait notre cadre et notre horaire.
J’ai vécu la prolifération des ONG dans les années 90 et cela s’est accentué depuis, et je peux vous assurer que la ruse, les motifs impurs, la gloire et l’argent, ou simplement le succès, sont des puissants moteurs dans le cirque humanitaire du tournant du 20e vers ce 21e siècle. Le MCC a bien su résister et je crois que cela a été possible grâce à un ancrage profond dans la foi, solide et ouverte en même temps. Je pèse mes mots, je ne parle pas de base religieuse ou même théologique. Dieu éprouve nos coeurs, comme le dit notre texte, mais Dieu ne sera jamais enfermé dans nos systèmes religieux ou théologiques. Sa miséricorde et sa beauté dépassent de loin nos idées et nos croyances – et aussi nos institutions, qui, elles aussi, sont de passage. A l’époque où j’étais directeur en Europe, le Directeur général John A Lapp, disait parfois: “Nous ne savons pas si le MCC survivra au 20e siècle”.

Retour au texte : Verset 7 – et pourtant, comme apôtres du Christ, nous aurions pu nous imposer. Mais nous nous sommes faits tout petits au milieu de vous ; comme une mère prend soin des enfants qu’elle nourri

Je suis convaincu qu’une des raisons pour lesquelles le MCC a été aussi bien reçu dans des contextes tendus et où parfois les communautés locales se méfiaient des missionnaires occidentaux, c’est que le MCC, en dépit des tendances et pressions impérialistes des USA, n’a jamais cherché à imposer une certaine compréhension de la foi ou une certaine vision du monde ou un style de vie. De plus, le MCC n’a pas cherché à faire des convertis, ni à implanter des églises, nulle part. Je sais bien que ce n’est pas au diapason de tout le monde, mais le résultat de la présence simplement humaniste et chrétienne du MCC dans bien des pays montre que c’était la bonne voie. Je reprends l’exemple des Balkans, puisque je l’ai vécu dans les années 90: MCC a été accepté et respecté dans les divers milieux religieux de cette poudrière qui était l’ancienne Yougoslavie, parce que ses représentants n’était pas venus pour les évangéliser, mais pour servir là où un besoin était ressenti par les communautés locales et qu’ils invitaient cette présence. Qui détermine le programme, fait toute la différence. Au sein du MCC, du moins durant le temps où j’y étais, on disait “nous recevons nos signaux du terrain.”
Lors des cycles d’orientation pour les candidats sur le départ au service, deux choses primordiales leur ont été inculquées:

  1. A notre arrivée, Dieu sera déjà sur place. Nous ne devons pas nous imaginer que c’est nous qui allons apporter Dieu à ces pauvres gens. Dieu a été là, parmi eux, bien longtemps avant nous.
  2. Nous n’allons pas là-bas pour diriger, ni pour octroyer la bonne manière de vivre, mais pour servir les intérêts des communautés sur place et pour apprendre d’eux. Ce que nous recevrons de nos partenaires est aussi important, sinon plus, que ce que nous leur apportons.

Verset 8 – nous aurions voulu, dans notre tendresse pour vous, vous donner non seulement la bonne nouvelle de Dieu, mais encore notre propre vie, tant vous nous étiez devenus chers.

Si la souffrance vécue au cours de l’histoire a motivé pour une bonne partie les pionniers du MCC, ce n’est pas moins la miséricorde de Dieu envers toute personne et toute communauté, quelles que soit leur identité, leur genre, orientation ou leur religion, qui est un fil conducteur du travail du MCC là, où les besoins sont les plus aigus. J’ai toujours à nouveau été impressionné par l’amour et la tendresse de mes collègues du MCC envers les personnes et les communautés parmi lesquelles ils étaient engagés. Si le MCC a bien voulu assurer la subsistance financière et matérielle de ses collaborateurs, c’était tout de même une bonne partie de leur vie et de leur carrière qu’ils ont données, puisqu’ils s’engageaient à apprendre la langue et à servir au moins trois ans, tout en prenant certains risques. Et oui, quelques-uns y ont laissé leur vie.

Une troisième référence biblique à laquelle j’aimerais fair allusion ici, est la fin du Psaume 85 qui parle de la rencontre amicale et intime entre la miséricorde et la vérité et entre la justice et la paix. John Paul Lederach, connu un peu partout dans le monde pour son travail de pionnier en matière de transformation de conflit et de construction de la paix, dit que la rencontre intime de ces quatre qualités du Royaume de Dieu, c’est l’endroit où la réconciliation peut se réaliser. Là où la miséricorde et la vérité (qui souvent paraissent comme mutuellement exclusives) s’embrassent, et où la justice et la paix (on entend par exemple qu’au proche Orient, c’est l’un ou l’autre, mais pas les deux) se font la bise, la réconciliation est déjà en route et peut faire son chemin, aussi long soit-il.

Le ministère de la réconciliation
Ron Byler, directeur du MCC qui a pris sa retraite il y a dix jours, dans son allocution lors de la célébration en ligne du centenaire MCC, a cité le texte tiré de 2 Corinthiens 5,18, qui parle du ministère de la réconciliation confié à celles et ceux qui se réclament du Christ. Le MCC est connu pour son service au nom du Christ en réponse à des besoins humains. Le MCC, depuis son début en 1920, va à la rencontre de personnes et de communautés dans le besoin: “Responding to human need in the name of Christ”. Je m’étais laissé imprégner par cette phrase avant de vraiment parler l’anglais. Tous les problèmes ne seront pas résolus, l’injustice et la douleur pas effacées, les conséquences d’une guerre pas annulées. Mais il s’agit d’un ministère de la réconciliation, entre personnes et communautés ou peuples, mais aussi entre les victimes et leur situation et leur avenir. Jésus Christ, c’est Dieu fait humain, chair et os. Du coup, être chrétien signifie valoriser l’être humain et lui donner sa dignité inébranlable, car il porte en lui l’étincelle divine. Aujourd’hui, sous le stress de la Covid, tout le monde parle de sauver l’économie. Certains disent qu’il faut sauver l’héritage judéo-chrétien. Mais ce n’est pas l’économie qui a besoin d’être sauvé, ni un héritage culturel ou religieux, ni une nation, ni une république. Aujourd’hui comme dans le temps biblique, comme en 1920, c’est l’humain et sa dignité qui doit être sauvé. Or l’humain ne vit pas de pain seulement, comme le disait Jésus, ce qui veut dire que l’humain n’est pas en premier lieu un être économique, mais un être social. C’est cela que Jésus avait manifesté. Le social, c’est quoi? C’est relationnel; la source de la relation, c’est l’amour.

Pour les 75 ans du MCC en 1995, on a posé à quelques personnes autour du monde cette question: quelles sont vos aspirations les plus profondes, vos rêves et votre espoir? Les réponses avec photos se trouvent dans un magnifique livre en noir-blanc. Une des personnes a répondu: Un toit étanche et une vache. – Alors oui, il faut donner à manger à celles et ceux qui ont faim, un toit aux sans-abris, un papier aux sans-papiers, la liberté à celles et ceux qui sont prisonniers. C’est de cela qui s’agit dans la mission du MCC, et de la mission de nous tous dans un monde brisé : valoriser ce qui est humain, retrouver et redonner sa dignité, donner à manger, rendre visite et honorer quelqu’un de notre présence, construire les communautés, faciliter les relations. Mais tout cela en toute humilité, car nul d’entre nous est l’unique détenteur de la vérité, nul d’entre nous est l’unique héritier de la miséricorde, nul d’entre nous est l’unique représentant de l’amour divin. Nous sommes toutes et tous des êtres sous la grâce de Dieu.

100 ans du MCC – Culte et vidéos

Cette année, le MCC (Mennonite Central Committee), l’organisation d’entraide, de développement et de paix des Mennontites d’Amérique du Nord, fête son centenaire. Cela fait du MCC l’une des plus anciennes organisations de secours. Plusieurs centaines de volontaires travaillent dans le monde entier, qui ont appris la langue de leur pays et se sont engagés pour au moins 3 ans. Le MCC est présent dans une soixantaine de pays et travaille en collaboration avec les institutions locales.

Une célébration commune – les communautés du Sonnenberg et de La Chaux-d’Abel – était prévue le dimanche 8 novembre aux Mottes pour marquer ce centenaire. Des responsables du MCC, d’anciens volontaires et des invités étaient attendus. Comme cette célébration ne peut avoir lieu maintenant, le culte pour le centenaire du MCC sur le Geisberg (F) le 1er novembre est disponible sur cette page. L’événement s’est déroulé en français avec des contributions en anglais. Les traductions sont affichées en français/allemand sur un texte continu. L’ensemble de l’événement d’1h40, ainsi que les allocutions individuels sont disponibles ici en vidéo, soit en français, soit avec une traduction en français.

Culte du Geisberg en entier (1h40)

Ron Byler, Directeur MCC US 5’00’’ Sous-titres FR/DE
Tom Wenger, Chef Centre des ressources matérielles MCC 5’50’’ FR/DE
James et Linda Wheeler, MCC Directeurs Europe et Proche-Orient 2’50’’ FR/DE
Jean Hege : Histoire du MCC en France 16’20’’ DE
Résumé Bureau en Europe (Hansuli Gerber) 6’15’’ DE
Prédication sur 1 Thess. 2, 1-8 (Hansuli Gerber) 17’ DE

Dieu est beau

Prédication du 19 juillet 2020 par Daniel GeiserOppliger

Je vous salue avec une confession de Saint Augustin : « Bien tard je t’ai aimée,ô beauté si ancienne et si nouvelle, bien tard je t’ai aimée ! Oh beauté toi qui élève, qui illumine notre imago dei ! » = notre image de Dieu que nous portons.

Dieu est beau – Il est la beauté même – Dieu aime la beauté – il est l’artiste par excellence de la beauté.
La beauté de Dieu est infinie et éternelle – La beauté console, elle conduit dans l‘éternité. Le mot utilisé grec dans le Nouveau Testament est doxa et en hébreu la plupart kāvôd mais aussi Tôv, et jāfæh.
Genèse 1, 31 : Et Dieu regarda tout ce qu’il avait fait. Et il vit que c’était très beau – très bon.
Genèse 2, 9 : Et l’Eternel Dieu fit germer du sol toutes sortes de beaux arbres agréables à la vue.
Psaume 90, 16 : Que nous puissions voir tes belles actions, que nos enfants découvrent ta beauté !
Ezéchiel 1, 28 : La lumière de l’arc-en-ciel qui brille dans les nuages un jour de pluie. C’est le reflet de la beauté (la gloire) du Seigneur. J’ai vu tout cela, je me suis incliné.
Jean 1, 14 : La Parole est devenue un humain (chaire), et il a habité parmi nous. Nous avons vu sa beauté (sa doxa, sa gloire). Cette beauté, il la reçoit du Père. C’est la beauté du fils unique, plein d’amour et de vérité. Tes vêtements sont lumière.

Vous aviez choisi comme thème pour le premier trimestre : Je crois ! Viens au secours de mon incrédulité. – À mon manque de foi ! Viens raviver et ranimer ma petite de foi !

J’ai vu que vous avez eu déjà plusieurs personnes qui ont apporté un message sur ce thème. Ils vous ont certainement parlé du contexte qui est très important. Des disciples incompétents n’arrivent pas à libérer l’enfant de la maladie, du démon. Alors il me semble évident que le père manque de confiance et dit à Jésus : « Si tu peux quelque chose, viens à notre secours, aie compassion (pitié) de nous, aide-nous ! » La réponse de Jésus n’est pas une surprise, pourquoi dis-tu : « si tu peux ? » As-tu suffisamment de confiance en moi, voilà que le père hurle (crie) : « Je crois, viens à mon manque de confiance ! » La confiance, la foi n’est pas quelque chose de statique que l’on atteint une fois pour toujours. Nous ne sommes jamais possesseur de la foi. Je ne possède jamais la foi, la confiance, c’est une relation existentielle, dynamique. Une relation qui se renouvelle toujours dans le devenir. La confiance, la foi est une relation que se noue, se manifeste dans la relation avec autrui. Nous pouvons faire confiance à Christ parce que lui nous fait confiance. Il nous appelle ses ami-es. La relation d’ami-es est bien sûr une relation de confiance réciproque. Nous pouvons avoir foi en Dieu parce que Dieu a foi en nous. Il nous le démontre, il nous le prouve si l’on peut dire, en envoyant son Fils bien-aimé, son Fils de gloire, de beauté. Se savoir aimé rend beau, c’est en même temps un signe d’une grande confiance. Le poète et écrivain Jules Renard s’exprime ainsi : « Ce n’est pas parce qu’une personne (femme) est belle qu’on l’aime, mais, c’est parce qu’elle se sent aimée qu’elle devient belle ! »

Oui, un sujet qui vivifie et fortifie notre foi et notre confiance en Dieu, c’est la beauté de Dieu.
Ce monde dans lequel nous vivons a besoin de beauté pour ne pas sombrer dans le désespoir. Dès les premières pages de la Bible, nous découvrons que le Dieu créateur aime la beauté.

Il est l’artiste par excellence de la beauté.  » Dieu vit que tout ce qu’il avait fait était très beau, très bon. » Le Dieu créateur est aussi un super paysagiste qui se donne la peine de planter un «beau» jardin, celui d’Eden. «Et l’Eternel Dieu fit germer du sol toutes sortes d’arbres agréables, beaux à la vue.» La beauté apporte la joie dans le cœur humain, sert à une relation saine.

Le Dieu qui a conduit Israël hors d’Egypte, les libère de l’esclavage, leur fait don des dix paroles (commandements Ex. 20). Dans ces dix paroles, Dieu révèle sa volonté au peuple libéré. Par la révélation de sa volonté, Dieu invite ce peuple à participer, à vivre la volonté de Dieu pour le bien de toutes les nations et bien sûr pour leur propre bien.
Pour assurer à ce peuple en marche dans le désert, situation souvent difficile et précaire, Dieu donne l’instruction de bâtir un tabernacle, un coffre en bois (une arche), dans lequel il habitera, sera présent et les accompagnera. Lors de la construction de ce coffre en bois (tabernacle), Dieu agit non seulement comme architecte en bâtiment en indiquant des dimensions très précises et le matériel à utiliser – mais également comme un architecte d’intérieur pour la décoration. Les spécifications des vêtements du grand-prêtre et des prêtres sont prescrites dans le style de la haute couture. Tout est minutieusement indiqué. Le meilleur matériel doit être utilisé. Dieu est beau, sa présence au milieu de son peuple doit afficher la beauté et la générosité. Les vêtements du grand-prêtre et des prêtres doivent être faits, cousus par les meilleurs artisans du peuple et bien sûr avec la meilleure étoffe, lin, laine. Les prêtres sont en quelque sorte les représentants de Dieu au milieu du peuple et en même temps, ils représentent le peuple à l’extérieur, donc le plus précieux et le beau sont indispensables. (À relire dans les chapitres d’Exode 25-31, 35 – 40).

Il en est de même lors de la construction du premier temple par Salomon, les instructions sont précisées jusque dans les moindres détails, de nouveau le meilleur du meilleur matériel est juste suffisant. Le précieux bois par exemple est importé du Liban. Et comme les Israéliens ne sont pas très doués pour couper le bois, Salomon doit trouver les meilleurs bûcherons à Sidon, hors d’Israël. (À relire dans les chapitres 1 Rois 5,14 – 8, 66 et en 2 Chronique, ch. 2-7).

Cet édifice est majestueux, il représente la grandeur, la générosité et surtout la beauté du Dieu unique, créateur de tout l’univers, libérateur des peuples opprimés sous l’esclavage. Aussi à l’intérieur, tout le matériel nécessaire est de très bonne qualité puisque Dieu va y habiter. En d’autres termes, c’est la sagesse, la paix, la justice, la vérité, l’amour, la compassion qui remplissent cet édifice. Le coffre de bois qui accompagnait et servait de présence de Dieu dans le désert, trouvera sa place dans le temple.
Dans le midrash, il est écrit : « Le temple est l’embellissement du monde en ce qu’il représente l’essence même du beau sur terre, il rend possible la relation spirituelle entre Dieu et l’homme et une saine (belle) et bonne relation entre les humains. – Dès que les nations entendent parler de la beauté du temple, de la majesté de ce Dieu, elles disent à Israël : « Nous voulons marcher avec vous. » Dans le midrash, il y a aussi de très amusants et intéressants commentaires sur les belles femmes et aussi de quelques beaux hommes et enfants.

Dans les années septante du siècle passé, le théologien suisse Rudolf Bohren déplore que la théologie protestante n’aborde pas suffisamment le thème de la beauté, la majesté (la gloire) de Dieu et que le thème beauté est pour ainsi dire complètement absent. Lorsqu’ en 1972, il est appelé comme professeur de théologie pratique à Berlin, puis à Heidelberg, il débute directement à donner des cours sur l’esthétique dans la bible. Dans ses séminaires, il évoque Saint Augustin (né en 354) ainsi que le philosophe, Anicius Manlius Severinus Boëthius (né vers 48o), Angélus Silesius (né en 1624), mais aussi des textes du théologien Friedrich (Daniel Ernst) Schleiermacher (né en 1768 à Breslau, Silésie) et Urs de Baltasar. Friedrich Schleiermacher avait écrit au 18e siècle un livre avec le titre : L’esthétique théologique reflète Dieu lui-même. Bohren donne des cours sur le beau-primat = beau original, le bon-primat = le bon original. En allemand: Er hielt Vorlesungen über das Ur-Gutem und das Ur-Schönen.
En Dieu, le bien, le bon, le beau (la gloire), la bonté, la bienveillance sont similaires.

Les psaumes ont souvent des expressions que nous n’avons pas suffisamment pris en considération, telles que : « Dieu, tu es majestueux, tu es couvert de beauté et d’honneur. La lumière est la robe que tu portes (Ps 104,2). Dans le Psaume 144, v.12, le psalmiste prie pour que les fils puissent grandir comme les plus beaux arbres, que les filles deviennent des ornements qui décorent la maison royale. Le scientifique et écrivain néerlandais, Henry Le Bal a raison de dire qu’il n’y a pas de péché originel, mais une beauté originelle ou comme Lytta Basset écrit, il y a un amour originel.

D’ailleurs les anabaptistes ou du moins une grande partie d’entre eux refusaient la doctrine du péché originel.
Je suis persuadé que chacune et chacun a déjà vécu combien la beauté peut rendre joyeux, heureux, comme un remède contre la dépression. Je suis sûr que nous avons toutes et tous fait l’expérience d’un bel événement ou en regardant et admirant un beau tableau, une peinture, la beauté de la nature. Ces regards et prises de conscience créent de la joie, du bien-être. Oui, la beauté nous élève, peut nous fortifier dans notre pèlerinage, notre confiance en nous-mêmes et en nos prochains.

Pour la méditation, le silence, la beauté sont une grande aide. La beauté change notre attitude, notre comportement. Elle peut nous aider dans nos relations humaines. La beauté peut nous aider à nous émerveiller. La beauté veut nous aider à vivre notre vie avec plaisir et de jouir de la vie. En s’ouvrant et en contemplant la beauté de Dieu, on ne fait pas disparaître les autres attributs de Dieu, au contraire elle les fait briller d’une manière plus forte, plus authentique.

Je veux juste mentionner deux raisons pourquoi l’on a longtemps négligé la beauté de Dieu dans la théologie. Une raison est la non-valorisation du corps humain. Pendant longtemps, dans la tradition et la compréhension protestante, le corps était peu ou pas valorisé, voire méprisé. Malheureusement la pensée du philosophe grec Platon a eu une énorme influence : « Le corps est la prison, le tombeau de l’âme. » L’âme doit être détachée du corps. Le corps est mortel, l’âme immortelle. Une deuxième raison, le beau rend orgueilleux, éloigne du divin (Dieu) et on le justifiait – entres autres – avec le texte du livre d’Esaïe chapitre 53 qui fut directement transféré sur Jésus.  « Il n’avait ni beauté, ni le prestige qui attirent les regards. Son apparence n’avait rien pour plaire ». Ces textes du serviteur souffrant qui sont régulièrement lus lors des cultes de vendredi-saint ont leur sens et ne doivent pas être éliminés. Je suis persuadé que l’enseignement de la passion du Christ doit être revu.

L’auteur de l’évangile de Jean parle dès le début jusqu’à la fin d’une manière impressionnante de la Doxa, donc de la beauté, la gloire de Jésus. Déjà au premier chapitre, nous lisons : « La Parole est devenue homme (humaine) et nous avons vu, contemplé sa beauté, sa gloire. » Cette beauté, les bergers l’ont admirée dans l’enfant né à Bethléhem. Les savants de l’Orient ont reconnu la mission de cet enfant né à Bethléhem, lieu de la plénitude, maison du pain en abondance, lieu de paix. Ils ont aussi reconnu que dans cet enfant juif, Dieu veut que toute l’humanité participe à la plénitude de Bethléhem. Cet enfant qui porte en lui cette plénitude, devient l’homme de Nazareth, qui sillonne, prêche, guérit, rassasie en Galilée, en Judée et même au-delà de ces frontières. Nazareth, le contraire de Bethléhem, un non-lieu, inexistant. Aujourd’hui on dirait une banlieue délaissée d’une grande ville. Et pourtant, c’est de ces deux lieux que Dieu manifeste et partage avec les humains sa présence, sa beauté.

Nous avons vu sa doxa, sa beauté, sa majesté. L’avons-nous reçue ? Cette beauté, Jésus l’a reçue du Père. Cette beauté qui reflétait celui qui veut être Père de tous les humains, de toutes celles et ceux qui reconnaissent que la Parole venue dans le monde est lumière et veut éclairer tous les êtres humains. Malheureusement, une majorité de ses contemporains n’ont pas reconnu cette Parole qui voulait les laisser participer à la plénitude de la beauté et la richesse de Dieu. Ils n’ont pas reconnu la mission de l’envoyé de Dieu. Selon l’évangile de Jean, Jésus manifeste sa beauté, son attention, ce qui essentiel lors d’un mariage (noces de Cana). D’après Jean, le premier signe très surprenant et profane, pour montrer la bienveillance, la beauté qui l’habite, c’est de changer l’eau en vin. Après le dernier repas de Jésus avec ses disciples, Juda les quitte. Aussitôt Jésus dit : « Maintenant Dieu va montrer sa beauté, sa majesté, sa présence par le Fils de l’homme. » L’expression Doxa = gloire, beauté, majesté, revient cinq fois dans les versets 31 et 32 de Jean 13. La doxa, la majesté (gloire) de Dieu montre sa présence dans la vulnérabilité, dans le rejet. Le crucifié ouvre et partage l’avenir avec d’autres, les exclus. Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis. Mais aussi : Père pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. La beauté de Dieu ne rejette personne, mais pardonne. Et enfin, à l’aube du matin de Pâques, les femmes expérimentent que l’amour, la vie sont plus forts que le rejet et la mort.

Je termine avec une pensée du compositeur, auteur et dramaturge David Facérias :
L’émerveillement naît de Dieu et conduit à Dieu. S’émerveiller, c’est reconnaître et exprimer la présence de Dieu en moi et en toute chose. S’émerveiller, c’est remercier Dieu pour cette vie donnée. S’émerveiller, c’est aussi goûter et vivre la joie qui vient de Dieu. S’émerveiller, c’est vivre sa foi en faisant confiance à Dieu !

Dimanche 28 juin 2020 – La confiance

Prédication par Hansuli Gerber.

Textes bibliques en référence: Matthieu 10, 40 – 42, Romains 12, 6 – 23

Depuis le début de cette année, nous avons réfléchi à la foi, ou plus précisément à notre manque de la foi et son augmentation, voire son approfondissement.

A partir de maintenant et jusqu’en automne, nous nous tournerons vers le thème de la confiance. La confiance, c’est proche de la foi. En fait, dans les traductions diverses de la bible, parfois les deux mots semblent interchangeables. Je ne vous propose pas aujourd’hui de méditer à la ressemblance des deux expressions, mais plutôt de nous pencher un moment sur les conditions de la confiance et ces enjeux. Ce n’est qu’un début, car c’est un grand thème qui est traité bien au-delà de la sphère religieuse. Bon nombre de spécialistes de la société s’y penchent depuis un certain temps. La perte de confiance est liée à l’augmentation de la corruption et des mensonges. Comment la confiance que nous accordons – ou que nous n’accordons pas – à quelqu’un ou à quelque chose se répercute-t-elle dans notre vie et dans notre monde? Quelles sont les conséquences?

Confiance et croyance

Alors je vous lance un petit défi ce matin en vous disant: Peu importe si tu crois en Dieu ou pas. La question est de savoir si tu lui fais confiance.

Nous en avions parlé lors de l’ouverture du thème de la foi: la foi, c’est différent de la croyance. Or aujourd’hui, trop souvent, la question de Dieu ou de la religion est réduite à une croyance. Si le diable existe bel et bien, lui aussi croit en Dieu. On peut croire en Dieu et faire confiance surtout à soi-même, à l’argent, à la force, etc.
C’est vrai qu’il ne faut pas tout croire, surtout dans notre temps de fake news. Mais là où les choses deviennent vraiment sérieuses, dans le sens existentiel de notre vie, c’est quand il s’agit de faire confiance, de se confier.

Perte de confiance

Actuellement, une perte de confiance dans nos sociétés est constatée. Selon des sondages en Allemagne, seul 19% ont confiance en la politique, presque 70% ont perdu confiance. La confiance continue à s’effondrer aussi vis-à-vis des médias, de la police, des membres de sa propre famille, dans les humains en général. On entend des personnes dire qu’ils aiment leur chat ou leur chien, car à lui on peut au moins faire confiance. On peut comprendre, et c’est vraiment triste. Nous vivons une perte de confiance dans la vie, non seulement dans les institutions et les gens, mais plus profondément dans la bonté inhérente de la création et de l’humanité. Le problème n’est alors pas de croire en Dieu ou pas, mais d’avoir perdu toute confiance, de ne plus savoir faire confiance.

La confiance est fondamentale

Pour préparer cette prédication, j’ai consulté des sites internet qui parlent de la confiance. Ce que j’ai découvert a dépassé mes attentes: la confiance est jugé par les spécialistes des questions de société (sociologues, anthropologues, politologues) comme absolument essentielle pour la société. Sans confiance, rien ne marche. La crise Covid a remis en avant ce constat. Le Conseiller fédéral Alain Berset a régulièrement parlé de confiance, mais aussi d’humilité. Je pense que les deux sont intimement liées. A mon avis d’ailleurs, lors de cette crise de la Covid-19, Berset s’est montré digne de confiance.

La confiance qu’a un petit enfant initialement est fondamentale et elle va être élaborée davantage. L’enfant non seulement fait confiance, il ne compte pas sur sa propre capacité. Il sait qu’il est dépendant. Plus tard, cette confiance peut se perdre pour de bon et il va être extrêmement long de construire une notion de confiance en qui et en quoi que ce soit. Comment se fait-il qu’aujourd’hui tant d’enfants grandissent sans apprendre la confiance? D’où vient le profond déficit de confiance dans notre société?

Actualité politique

Certains politiques misent sur la communication, d’autres misent sur l’argent, encore d’autres sur la force et la manipulation. Mais s’il n’y a pas ni confiance ni humilité, rien ne pourra arranger les choses. Ce qui se passe aux USA actuellement est une cruelle et tragique démonstration de cette vérité. On parle de Dieu, on se réclame du christianisme, même de Jésus, mais on se croit en-dessus de tout et on fait confiance surtout à l’argent et aux armes.

Le texte de ce dimanche

Ici peut intervenir la parole que Jésus dit à ses disciples, selon les évangiles de Matthieu et Luc : “Qui vous accueille m’accueille moi-même, et qui m’accueille, accueille celui qui m’a envoyé“.

Je suis frappé par ces paroles. Jésus ne dit pas: vous devez faire ceci et cela. Il dit: Qui vous accueille m’accueille. C’est merveilleux et réaliste en même temps. Il sait que pas tout le monde va accueillir les disciples. Mais quiconque les accueille, accueille Jésus, le Christ et qui accueille le Christ accueille celui qui l’a envoyé, Dieu le Père et Créateur de l’univers. Peu importe leur credo, leur histoire, leur couleur, leur opinion, leur grandeur de souliers.

Accueil – humilité – justice

Je suis frappé par une autre chose qui en fait n’aurait pas dû me surprendre: c’est le lien biblique entre la confiance, l’humilité et la justice. Quand vous lisez le texte de l’épître de ce dimanche, les Psaumes 30 – 35 et aussi les prophètes, vous trouverez souvent l’encouragement à faire confiance suivi par l’appel à faire justice, à être attentif à celles et ceux qui sont vulnérables et affaiblis, opprimés ou persécutés. Ces choses vont de paire.

Cela nous rappelle d’autres paroles de Jésus:
J’étais un étranger et vous m’avez accueilli
J’avais faim et vous m’avez donné à manger
J’étais nu et vous m’avez habillé
J’étais en prison et vous m’avez rendu visite (tous Mt 25)

Trois choses à revoir

La première chose, c’est que personne ne peut être obligé à faire confiance. La confiance ne s’impose pas, elle ne se décrète pas. Dieu serait le dernier à le faire. La confiance, c’est une porte ouverte, un accueil de libre consentement.

La deuxième chose, c’est admettre que nous sommes des humains faillibles comme tout le monde. Non seulement sommes nous faillibles, mais nous ne pouvons vivre que par nos propres moyens. Je pense qu’il faut arrêter de penser que les chrétiens sont meilleurs que les autres. Comme il faut arrêter de penser que les blancs sont meilleurs que les noirs et que c’est normal que les blancs soient supérieurs hiérarchiquement.

La troisième chose: reconnaître que l’église n’est pas le royaume de Dieu et qu’elle est faillible et imparfaite comme toute autre institution humaine. Il faut arrêter de penser que celles et ceux qui ne se joignent pas à nous sont perdus.

Confiance en Dieu?

Alors, mis à part son animal domestique, en qui peut-on avoir confiance dans ce monde devenu un peu ou totalement fou? Vous connaissez tous la bonne réponse : On peut faire confiance à Dieu. C’est bien de cela que la bible parle, du début à la fin. Les psaumes sont clairs: Ne te confie pas aux princes, mais confie-toi à Dieu. Mon oncle Samuel des Reussilles, le grand Samuel avec sa voix puissante, le disait souvent: c’est bien de faire confiance à des personnes. Mais il faut rester réaliste: on peut être mal compris, trahi ou même abandonné par n’importe qui, de toute façon, la personne en qui nous avons confiance va un jour mourir. Alors la seule confiance qui restera toujours sans faille, c’est celle envers Dieu. Dieu ne nous trahit jamais. Il nous défie, il nous laisse errer, mais il ne nous trahira pas.

Conclusion

Le texte de l’évangile, met les disciples de Jésus, non pas dans le rôle de ceux qui accueillent, mais dans le rôle de ceux qui sont accueillis. Quant on accepte d’être accueilli, on fait confiance, comme ceux qui accueillent font confiance. Les deux ont une mesure d’humilité, sachant qu’ils reçoivent et donnent, c’est un échange mutuel et libre. On dépend les uns des autres. La confiance se construit dans cette rencontre et dans cet échange. Car les deux, celui qui accueille et celle qui est accueillie, dépendent non seulement l’un de l’autre, mais ils dépendent les deux de celui qui les a créés et qui façonne et nourrit la terre et guide l’univers. Toutes ces choses nous dépassent de loin. Alors nous pouvons nous confier pour notre destin au Créateur de toute chose et cela passe directement par notre bienveillance envers “ces petits qui sont dans le besoin”.

Dimanche des réfugiés 21 juin 2020

Ce dimanche est l’occasion pour les églises et les communautés de se rendre compte de la réalité des réfugiés dans le monde et en Suisse. Il y a dans le monde 70 Millions de réfugiés. Ils ont quitté leur foyer et leur pays, poussés par la détresse ou par la force de la violence, mais ils ne sont pas les bienvenus, ils ne devraient disparaître partout, ils sont méprisés et soupçonnés de part et d’autre.

Dans l’agenda anabaptiste, ce dimanche est placé sous la parole de Jésus: « Vous êtes plus précieux que les moineaux ». Si cette parole est bien valable pour les réfugiés, leur réalité vécue leur dit trop souvent le contraire.

Voici quelques informations et l’appel des églises et de la communauté juive en Suisse pour ce dimanche des réfugiés.

Très utile aussi les pages de l’OSAR (Organisation Suisse d’Aide aux Réfugiés)

Pentecôte, 31 mai 2020

Dieu, le Saint-Esprit et le corona

Par Chantal Ampukunnel, théologienne, assistante pastorale dans l’Unité pastorale catholique des Franches-Montagnes. Cette réflexion, que Chantal nous a aimablement mise à disposition pour publication ici, est parue dans le Franc-Montagnard le 27 mai 2020.

Deux discussions le même après-midi avec deux paroissiennes à qui j’avais téléphoné, m’ont donné à réfléchir pour ce week-end de Pentecôte où nous fêtons le Saint-Esprit.

La première me disait qu’elle se demandait si le coronavirus (eh oui, toujours lui!) n’était pas une punition envoyée par Dieu.

La deuxième me disait qu’en ce temps de Pentecôte, le coronavirus (encore lui) curieusement lui faisait penser à l’Esprit Saint: tous les deux étaient présents, sans qu’on puisse les voir, sans que l’on sache où et quand ils allaient être actifs ou non. Elle ma précisé, osant cette comparaison un peu décalée, que l’un travaillait pour le bien et l’autre pour le mal.

Leurs réflexions, essayant de donner sens et explication à ce que nous vivons, m’ont fait penser à l’histoire de cet évêque italien qui, ayant marre du confinement, a décidé de faire une sortie incognito à Venise débarrassée de ses touristes et a loué tout seul une gondole. A un moment, il bouge trop, tombe et se retrouve dans l’eau. Le gondolier – incroyable qu’il passe par là! – lui propose de l’aider. L’évêque lui répond, craignant aussi certainement d’être pris et reconnu: “Non merci, le Saint-Esprit va venir me secourir dans un instant” L’évêque s’enfonce dans l’eau. Le gondolier revient et lui propose de l’aider. “Non merci, dit-il à nouveau, le Saint-Esprit va venir me secourir à l’instant”. Tout finit comme on peut l’imaginer : l’évêque coule et se noie. Il arrive au ciel et y est accueilli par le Saint-Esprit. L’évêque en est tout étonné et interpelle le Saint-Esprit en lui disant: “Quand j’avais besoin de toi tu n’étais pas là!” Et le Saint-Esprit lui répond: “Tu crois que c’était qui le gondolier?” Voilà peut-être une histoire qui répondra aux questionnements et réflexions de ces deux dames, qui sont peut-être aussi les vôtres d’ailleurs, sur le rôle de l’Esprit Saint, présence, force et amour de Dieu. Alors non, Dieu ne nous punit pas. Bien au contraire. Il est là, intervient et nous aide quand tout va au plus mal. Il s’agit juste de savoir le reconnaître dans les gondoliers qui sont présents dans notre vie. En fait, savez-vous quels sont les gondoliers de votre vie?

Dimanche 24 mai – L’endurance

Pour ce dimanche, voici une prédication de Pierre Bühler, qu’il a donné à la communauté de Grandchamp le 26 mars 2020. Issu d’une famille mennonite de Tramelan et maintenant à la retraite active, Pierre était professeur de théologie systématique à Zürich. Il a aimablement consenti à ce que son manuscrit soit publié sur notre site.

Lecture 1 : Lettre aux Hébreux 10,32-39

Lecture 2 : Evangile de Matthieu 24,1-14

Chères sœurs, chers frères en Jésus-Christ,

Quand j’ai reçu de sœur Pascale ces deux textes difficiles prévus pour la célébration d’aujourd’hui, la crise du coronavirus était déjà la grande préoccupation, mais elle était encore lointaine, même si on la sentait se rapprocher inexorablement. Et aujourd’hui, elle est là. Les cas de contamination sont très nombreux, de même que les morts. Un de mes cousins est mort du coronavirus la semaine passée. Si le virus infecte l’organisme de certains, il infecte aussi l’esprit de tous. Il nous obnubile et nous inquiète, au point où on ne pense plus qu’à lui. Il y a quelques jours, j’ai rencontré un voisin complètement atterré qui me disait, le visage ravagé : « C’est la fin du monde ! ».

Je me suis donc dit tout d’abord qu’il fallait prêcher sur le passage de Matthieu 24, qui appartient à ce qu’on appelle la petite apocalypse des évangiles synoptiques : un discours de Jésus sur la fin des temps, en réponse aux questions des disciples. D’ailleurs, plusieurs parallèles entre le texte et notre situation s’imposaient d’emblée : des faux prophètes qui égarent par de faux espoirs ou qui suscitent la panique, si bien que les gens font leurs provisions en pillant les magasins et en insultant les vendeuses ; des gouvernants qui dressent nation contre nation, comme Donald Trump qui, à coup de milliards, voulait réserver un vaccin allemand en préparation aux seuls malades des États-Unis ; des gens qui ne vous parlent que de guerre, comme le président Macron qui, s’adressant à son peuple, répète sans cesse « Nous sommes en guerre ». Et le texte dit encore : « et alors un grand nombre succomberont », évoquant ainsi les morts dont nous lisons chaque jour les statistiques, tétanisés, sidérés par l’évolution.

Mais c’est soudain un petit passage de la fin de ce texte qui a attiré mon attention : « l’amour du grand nombre se refroidira ; mais celui qui tiendra jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé. » Une question d’amour, donc ? Un amour qui ne doit pas refroidir, qui doit tenir jusqu’au bout ? Et cela m’a fait me tourner vers le texte de l’épître aux Hébreux. À quoi bon une vision de la fin des temps si elle nous empêche de vivre au quotidien ? Dans le texte de l’épître, on ne parle que discrètement de celui qui doit venir à la fin des temps, mais on y parle concrètement d’un combat, d’une épreuve au quotidien, en appelant instamment à ne pas perdre l’assurance, à garder la confiance.

Et c’est surtout le début du verset 16 qui s’est tout à coup imprimé dans mon esprit :
« C’est d’endurance que vous avez besoin ». Et je me suis dit : oui, c’est ça, le message pour un temps de crise : « C’est d’endurance que vous avez besoin. ». Mais que veut dire « endurance » ? Ce substantif vient du verbe « endurer », qui provient du latin médiéval indurare, qui signifie « durcir, se durcir ». Il s’agit donc de renforcer sa résistance, pour ne pas se laisser toucher par les moindres difficultés, se faire une carapace, comme la tortue. Mais il y a un danger à trop se durcir : on peut se cuirasser, se blinder, au point de ne plus rien sentir. Or, il n’est pas sûr qu’un tel blindage permette de tenir sur la durée. Car si l’on veut endurer une crise, il faut aussi pouvoir durer, « tenir jusqu’à la fin », dit Matthieu. Or, à avoir trop de blindage, on peut aussi s’épuiser, comme ces chevaliers du Moyen-Âge qui croulaient parfois sous le poids de leurs armures.

Il est intéressant que « durée » a la même racine durare, indurare, que l’endurance. On pourrait donc dire que l’endurance sera un sage équilibre entre la dureté et la durée. Et le terme grec pour « endurance » dans notre texte vient de la racine menein, qui veut dire « rester ». Si l’on veut donc durer, rester, tenir, il faut que la dureté laisse aussi de la place à la flexibilité, à une souplesse intérieure, et donc aussi à la fragilité.

En ces temps que nous sommes en train de vivre, nous sommes incertains, inquiets. Il serait vain de le nier. Pour le bien de notre endurance, il faut bien plutôt accepter pleinement cette incertitude. Elle fait partie de nous, nous rend fragiles. En l’acceptant, nous pouvons aussi l’intégrer, au lieu de la laisser se développer en une panique incontrôlée. L’endurance, c’est développer une distance, une liberté intérieure à l’égard de l’incertitude : nous la sentons, nous la laissons être là, mais elle ne nous domine pas. « Ne perdez pas votre assurance », dit l’épître aux Hébreux. Et comme le dit Ésaïe (30,15) : « Votre force est dans le calme et la confiance ».

Dans la panique, nous sommes rejetés sur nous-mêmes. Chacun ne pense plus qu’à lui- même, à se protéger, à se munir de ce qu’il faut. Et on risque de ne voir dans l’autre que le danger de la contamination. De vieux réflexes médiévaux peuvent renaître : il faut fuir les autres « comme la peste ». Mais cela génère la solitude. Et ce serait une illusion de croire que notre endurance profite de cette solitude, de l’enfermement en soi. L’épître aux Hébreux souligne plutôt que nous ne sommes pas seuls. L’endurance est soutenue par une promesse appelée à se réaliser toujours plus : il y a celui qui vient à nous, qui sera là, celui qui s’est déclaré avec nous, parmi nous. La promesse que Jésus, ce grand solidaire, vient à nous, permet à notre endurance de lutter contre la solitude du chacun pour soi.

S’il vient à nous, lui, nous pouvons aussi aller vers les autres. La règle de la distance sociale, qui nous met à deux mètres les uns des autres, la règle du confinement dans nos appartement, nos maisons, tout cela pourrait nous rendre apathiques, renforçant la solitude.

Mais la solidité de notre endurance ne se nourrit pas de solitude, mais de solidarité. Et c’est peut-être un des grands enseignements de ce temps, à ne pas oublier trop vite: la crise que nous vivons suscite de nouvelles solidarités, de nouvelles sollicitudes pour celles et ceux qui sont plus exposés, plus fragiles que nous. Notre texte exprime cette solidarité en disant : « vous avez pris part à la souffrance des prisonniers », et il est vrai que nous devons être en souci aujourd’hui pour les prisonniers : comment lutter contre la contagion du coronavirus quand les prisons contiennent deux ou trois fois plus de prisonniers qu’il n’y a de places ? Il en va de même pour les requérants d’asile, les grands oubliés de la solidarité : les instances de l’asile sont interpellées pour appliquer les règles de confinement dans les centres, mais elles semblent être plus soucieuses de se munir de vitres en plexiglas pour continuer leurs auditions et leurs décisions de renvoi ! Et je n’ose même pas imaginer quels ravages le coronavirus pourra faire, est peut-être déjà en train de faire dans les camps surpeuplés des îles grecques, où des dizaines de milliers de personnes vivent entassés, malades, mal nourries, sans moyens d’hygiène. La solidarité doit être pour tous sans distinction, sans exclusion. Non, nous ne laisserons pas l’amour du grand nombre se refroidir !

Au vu de toute cette situation, nous pourrions succomber à la résignation, à un sentiment tragique d’impuissance. Mais cela nuirait fort à notre endurance. Nous avons besoin d’un ressort spirituel, qui nous redonne sans cesse le courage de vivre avec sérénité et confiance, la persévérance de faire ce que nous pouvons, chacune et chacun avec ses forces et ses faiblesses. Un conte originaire des Andes raconte qu’un grand feu ravage la forêt. Tous les animaux fuient et assistent à la catastrophe de loin, tétanisés. Sauf un colibri qui vole à la rivière, prend une goutte dans son bec et va la jeter dans les flammes, revient à la rivière, reprend une goutte, va la jeter dans les flammes, et ainsi de suite. Les autres animaux lui demandent : « Qu’est-ce que tu fais là ? » Sans s’arrêter, le colibri leur répond : « Je fais ce que je peux ! ».

Ce ressort spirituel, qui nous permet de ne pas capituler, de continuer malgré tout, de trouver notre force dans ce « malgré tout », c’est l’humour. C’est lui qui nous donne cette liberté intérieure qui alimente l’endurance, c’est lui qui lui donne ce bon alliage de résistance et de souplesse que les psychologues, après les physiciens de la matière, appellent la résilience.

« À peine aviez-vous reçu la lumière que vous avez enduré un lourd et douloureux combat », dit l’épître aux Hébreux. Mais elle ne dit pas que cette lumière a disparu. Elle continue d’éclairer le combat, telle est la conviction qui soutient l’endurance. Cela, nous pouvons le vivre, sous un angle spirituel, dans la prière : en pouvant mettre des mots sur nos expériences, en pouvant les exprimer par des paroles qui nous ont été transmises et qui sont porteuses de lumière, nous pouvons laisser un peu de lumière se répandre dans le monde, pour illuminer les ténèbres des souffrants. J’en suis frappé, c’est ce que demandait, dans l’Arc Info il y a quelques semaines, le chirurgien des cœurs d’enfants René Prêtre, en s’adressant aux aînés : « Nous savons que vous aimeriez nous aider. Vous n’avez pourtant que ce confinement et peut-être vos prières à nous offrir. Mais, offrez-les-nous ! L’un et l’autre nous aident, l’un et l’autre nous sont importants. »

Mais le médecin appelle aussi les aînés, il nous appelle toutes et tous aussi, à la reconnaissance, une reconnaissance à l’égard de toutes et tous ceux qui travaillent sans répit au soin des malades. Et notre endurance, c’est aussi cette reconnaissance à l’égard de tout ce qui est fait pour nous, quotidiennement. C’est avec un humour émouvant que René Prêtre appelle à cette reconnaissance : « à 21h, applaudissez nos soldats qui, au front, se battent avec tant de bravoure. Moi, je le fais avec une grosse cloche d’alpage. Elle a été fondue à mon nom par le père d’un enfant à qui j’avais réparé le cœur. J’ai longtemps pensé qu’elle n’aurait qu’une valeur décorative, jusqu’à aujourd’hui où, tous les soirs, elle résonne de son grave carillon sur mon quartier. »

Chers frères et sœurs, « c’est d’endurance que vous avez besoin. » En ce mois de mai, notre endurance est à l’école du chemin de la Passion, de la montée vers Vendredi-Saint, de Pâques et de l’Ascension. Mais nous devons nous préparer à des célébrations très particulières, et notre endurance devra se nourrir de simplicité. Les cultes se feront dans des cathédrales, des collégiales, des basiliques, des temples vides. L’épître aux Hébreux nous appelle à nous souvenir que nous sommes entourés d’une « nuée de témoins » (Hébr 12,1). Alors nous nous souviendrons de ces témoins de jadis qui ont célébré leurs cultes en des gestes simples, dans l’intimité, dans des maisons particulières, ou dans les catacombes, ou encore à l’affût dans les forêts des Cévennes, sous les ponts ou dans les grottes du Jura. Et peut-être que le message de Pâques retentira de manière d’autant plus élémentaire : « La mort a été engloutie dans la victoire. Mort, où est ta victoire ? Mort, où est ton aiguillon ? »

Amen, qu’il en soit ainsi.

https://www.youtube.com/watch?v=FFU_DsTiiKI

Dimanche Cantate – Chantez au Seigneur un cantique nouveau

Psaume: Ps 98
Epître: Col 3,12–17
Evangile: Luc 19,37–40
Ancien Testament: 2. Chroniques 5, 2-14

A écouter: Cantate dominum canticum novum de Claudio Monteverdi (2min)

A écouter et à voir: Cantate de J.S. Bach BWV 166 « Wo gehest du hin? » Bachstiftung env. 20 min. (Au cas où il y a une pub au départ, attendre quelques secondes puis cliquer à droite dans la fenêtre pour fermer la pub)

Pour réflexion: Les lieux de culte fermés, un signe de Dieu?

Dans cet article, Tomas Halik, prêtre orthodoxe de Prague, consacré clandestinement sous le régime communiste, dit: L’église doit sortir du confinement spirituel.

L’article est un peu long et pas tout facile. Alors voici un petit résumé, adapté quelque peu à la chapelle de La Chaux-d’Abel:

L’église est en premier lieu un lieu de culte et d’événements religieux. Mais, dit Halik, les églises sont inutilisées la plupart du temps et quand il y a un événement, elles sont loin d’être remplies. Les chrétiens et leur reflexion sont largement confinés dans les lieux de culte. Or Dieu, selon la Bible, est partout et Jésus était là où étaient les gens.

Alors l’église pourrait devenir davantage un lieu de …
rencontre – les gens n’ont pas tous les mêmes perspectives sur la vie, mais ils partagent tous leur humanité …
beauté : les beaux-arts, la musique, le théâtre …
miséricorde – partage de nourriture et de biens, car la précarité se répand …
débat de thèmes de spiritualité, de culture, de questions de société au quotidien …

Nous avons vu à plusieurs reprises et avec joie la chapelle de La Chaux-d’Abel devenir un lieu pour l’une ou l’autre des choses mentionnées ci-dessus. Selon la bible, le vrai culte n’est pas dans le rituel religieux, mais dans la miséricorde et l’action de justice. Les besoins sont grands et les possibilités sont multiples.

C’est peut-être dans ce domaine que se situe le cantique nouveau pour l’après Covid?

« La beauté de Dieu engloutira toute laideur, toute horreur, c’est son amour qui triomphera » dit soeur Catherine qui vit en ermite dans les Alpes du Sud de la France.