Au service authentique pour la bonne nouvelle

Prédication par Hansuli Gerber lors du culte pour le centenaire MCC le 1 novembre 2011 au Geisberg.

Le culte en entier au Geisberg est disponible sous ce lien (1h 40.).

Si vous préférez écouter la prédicaton, vous trouverez sous ce lien la vidéo de la prédication (17 min.)

Introduction

Chers ami.e.s du MCC, chers frères et soeurs, chers collaboratrices et collaborateurs – et anciens du MCC: Seuls quelques-uns sont réunis au Geisberg ce dimanche de la Toussaint. A cause de la Covid-19, le plus grand nombre se trouvera devant un écran, quelque part sur cette belle terre, et éparpillé dans notre monde bien-aimé mais combien confondu et perturbé.
C’est avec une grande joie et un sentiment d’honneur, mais avec humilité aussi, que j’ai accepté l’invitation à donner une prédication ou une réflexion lors de cette célébration du centenaire MCC au Geisberg.
Je me réjouis, car pour moi, MCC a toujours été une source et un catalyseur de joie, comme pour un grand nombre de personnes partout dans le monde.
Je me sens honoré parce que MCC, fondé en 1920, est l’une des plus anciennes organisations non-gouvernementales dans le monde et sans aucun doute l’une des plus respectées, bien que son profil public soit relativement modeste.
J’éprouve un sentiment d’humilité parce que MCC, à part avoir cent ans et être respecté, est depuis toujours engagé au service de la Bonne Nouvelle du Christ, incarnation divine pour toute l’humanité, témoin de l’amour éternel et immuable qu’on ne peut ni vendre ni acheter.


Apport biblique
En guise de prédication, je m’appuie sur une des lectures bibliques de ce dimanche de la Toussaint, 1 Thessaloniciens 2, 1 à 8. Ce texte parle du service de l’évangile pour des motifs authentiques, et cela me semble parfait pour l’occasion, tout en considérant le climat politique ébranlé de nos jours. Car MCC, loin d’être parfait, incarne presque à la lettre l’approche du service chrétien décrite dans ce texte.

Je vais le lire paragraphe par paragraphe, et élaborer quelques aspects évoqués. Afin de faciliter la compréhension orale, je lis la traduction œcuménique, combinée avec la Nouvelle Bible Segond :

Verset 1 : En effet, vous le savez vous-mêmes, frères (et sœurs), l’accueil que nous avons trouvé chez vous n’a pas été inutile.

Le travail du MCC a été utile, en Europe et ailleurs, et il a laissé des traces constructives et durables: En France, vous trouvez aujourd’hui plusieurs maisons ou établissements qui depuis les années 40 ou 50 offrent un accueil en sécurité à des personnes avec un handicap ou à des enfants ou des étudiants. Vous allez aux Pays-Bas et vous rencontrerez des personnes qui se rappellent qu’eux, ou leurs proches, avaient reçu une paire de souliers lors de la pénurie terrible crée par la 2e guerre mondiale. En Europe du Sud-Est, combien de personnes vous diraient leur reconnaissance pour avoir reçu une aide essentielle dans les années quatre-vingt dix lors des guerres dans la région des Balkans. (On pourrait passer la journée à dresser une liste pour les autres continents, l’Afrique, où des milliers ont profité d’une éducation scolaire, en Amérique Latine, où des communautés ont été assistées dans leur réhabilitation, en Asie et au Proche Orient, et j’en passe…)
C’est d’ailleurs ici en Europe que les seaux d’hygiène ont vu le jour, lorsque des populations entières ont dû fuir leurs villages en Bosnie, en Croatie ou en Serbie et que les réfugiés manquaient cruellement d’articles d’hygiène de base. Avec le département des ressources matérielles du MCC, nous avions mis sur pied ce projet des seaux qui tient la route jusqu’à ce jour. Les communautés, ici en Europe et en Amérique du Nord, se mobilisent pour faire parvenir des articles de première nécessité à des communautés totalement démunies.

Verset 2 : Après avoir souffert et avoir été maltraités à Philippes, comme vous le savez, nous avons puisé en notre Dieu l’assurance nécessaire pour vous dire la bonne nouvelle de Dieu au milieu de bien des combats.

En remplaçant les mots “à Philippe” par “en Europe durant et après la réforme et en Russie puis en Union Soviétique”, ce verset reflète l’expérience Mennonite-Anabaptiste, de laquelle MCC est l’expression humanitaire. Le service mis en place par MCC à partir des années 1920, était inspiré par les persécutions et la dispersion des Anabaptistes du 16e et du 17e siècle, par les souffrances des Mennonites pendant la famine en Russie et en Ukraine et par la terreur en Union Soviétique. De ces expériences douloureuses sont nées, entre autre, une motivation et une détermination pour servir celles et ceux qui souffrent aujourd’hui, quel que soit leur contexte politique ou idéologique et malgré les contraintes politiques ou logistiques.

Versets 3 – 6 : Nos encouragements ne reposent pas sur l’erreur, ils ne s’inspirent pas de motifs impurs, ni de la ruse ; verset 4, mais comme c’est Dieu qui nous a éprouvés et approuvés pour nous confier la bonne nouvelle, nous agissons en conséquence, non pas pour plaire à des humains, mais pour plaire à Dieu qui éprouve les cœurs.
Jamais nous n’avons eu de paroles flatteuses, vous le savez, jamais d’arrière-pensée de profit, Dieu en est témoin.
Nous n’avons pas cherché la gloire qui vient des humains, ni auprès de vous ni auprès des autres 

Ce qu’affirme l’apôtre, à ce que je vois, s’applique au MCC. Je me souviens des efforts faits au sein du MCC pour rester authentique et intègre, éviter le spectacle, ne pas succomber à la tentation de la pornographie humanitaire, ne pas se laisser impressionner, ni par le discours de l’état, ni par celui de ses ennemis présumés. On pourrait mentionner les tensions entre les USA et l’Union Soviétique, ou la situation bloquée au Proche-Orient, ou encore les relations entre différentes communautés religieuses en Asie ou ailleurs. Mais cela dépasserait notre cadre et notre horaire.
J’ai vécu la prolifération des ONG dans les années 90 et cela s’est accentué depuis, et je peux vous assurer que la ruse, les motifs impurs, la gloire et l’argent, ou simplement le succès, sont des puissants moteurs dans le cirque humanitaire du tournant du 20e vers ce 21e siècle. Le MCC a bien su résister et je crois que cela a été possible grâce à un ancrage profond dans la foi, solide et ouverte en même temps. Je pèse mes mots, je ne parle pas de base religieuse ou même théologique. Dieu éprouve nos coeurs, comme le dit notre texte, mais Dieu ne sera jamais enfermé dans nos systèmes religieux ou théologiques. Sa miséricorde et sa beauté dépassent de loin nos idées et nos croyances – et aussi nos institutions, qui, elles aussi, sont de passage. A l’époque où j’étais directeur en Europe, le Directeur général John A Lapp, disait parfois: “Nous ne savons pas si le MCC survivra au 20e siècle”.

Retour au texte : Verset 7 – et pourtant, comme apôtres du Christ, nous aurions pu nous imposer. Mais nous nous sommes faits tout petits au milieu de vous ; comme une mère prend soin des enfants qu’elle nourri

Je suis convaincu qu’une des raisons pour lesquelles le MCC a été aussi bien reçu dans des contextes tendus et où parfois les communautés locales se méfiaient des missionnaires occidentaux, c’est que le MCC, en dépit des tendances et pressions impérialistes des USA, n’a jamais cherché à imposer une certaine compréhension de la foi ou une certaine vision du monde ou un style de vie. De plus, le MCC n’a pas cherché à faire des convertis, ni à implanter des églises, nulle part. Je sais bien que ce n’est pas au diapason de tout le monde, mais le résultat de la présence simplement humaniste et chrétienne du MCC dans bien des pays montre que c’était la bonne voie. Je reprends l’exemple des Balkans, puisque je l’ai vécu dans les années 90: MCC a été accepté et respecté dans les divers milieux religieux de cette poudrière qui était l’ancienne Yougoslavie, parce que ses représentants n’était pas venus pour les évangéliser, mais pour servir là où un besoin était ressenti par les communautés locales et qu’ils invitaient cette présence. Qui détermine le programme, fait toute la différence. Au sein du MCC, du moins durant le temps où j’y étais, on disait “nous recevons nos signaux du terrain.”
Lors des cycles d’orientation pour les candidats sur le départ au service, deux choses primordiales leur ont été inculquées:

  1. A notre arrivée, Dieu sera déjà sur place. Nous ne devons pas nous imaginer que c’est nous qui allons apporter Dieu à ces pauvres gens. Dieu a été là, parmi eux, bien longtemps avant nous.
  2. Nous n’allons pas là-bas pour diriger, ni pour octroyer la bonne manière de vivre, mais pour servir les intérêts des communautés sur place et pour apprendre d’eux. Ce que nous recevrons de nos partenaires est aussi important, sinon plus, que ce que nous leur apportons.

Verset 8 – nous aurions voulu, dans notre tendresse pour vous, vous donner non seulement la bonne nouvelle de Dieu, mais encore notre propre vie, tant vous nous étiez devenus chers.

Si la souffrance vécue au cours de l’histoire a motivé pour une bonne partie les pionniers du MCC, ce n’est pas moins la miséricorde de Dieu envers toute personne et toute communauté, quelles que soit leur identité, leur genre, orientation ou leur religion, qui est un fil conducteur du travail du MCC là, où les besoins sont les plus aigus. J’ai toujours à nouveau été impressionné par l’amour et la tendresse de mes collègues du MCC envers les personnes et les communautés parmi lesquelles ils étaient engagés. Si le MCC a bien voulu assurer la subsistance financière et matérielle de ses collaborateurs, c’était tout de même une bonne partie de leur vie et de leur carrière qu’ils ont données, puisqu’ils s’engageaient à apprendre la langue et à servir au moins trois ans, tout en prenant certains risques. Et oui, quelques-uns y ont laissé leur vie.

Une troisième référence biblique à laquelle j’aimerais fair allusion ici, est la fin du Psaume 85 qui parle de la rencontre amicale et intime entre la miséricorde et la vérité et entre la justice et la paix. John Paul Lederach, connu un peu partout dans le monde pour son travail de pionnier en matière de transformation de conflit et de construction de la paix, dit que la rencontre intime de ces quatre qualités du Royaume de Dieu, c’est l’endroit où la réconciliation peut se réaliser. Là où la miséricorde et la vérité (qui souvent paraissent comme mutuellement exclusives) s’embrassent, et où la justice et la paix (on entend par exemple qu’au proche Orient, c’est l’un ou l’autre, mais pas les deux) se font la bise, la réconciliation est déjà en route et peut faire son chemin, aussi long soit-il.

Le ministère de la réconciliation
Ron Byler, directeur du MCC qui a pris sa retraite il y a dix jours, dans son allocution lors de la célébration en ligne du centenaire MCC, a cité le texte tiré de 2 Corinthiens 5,18, qui parle du ministère de la réconciliation confié à celles et ceux qui se réclament du Christ. Le MCC est connu pour son service au nom du Christ en réponse à des besoins humains. Le MCC, depuis son début en 1920, va à la rencontre de personnes et de communautés dans le besoin: “Responding to human need in the name of Christ”. Je m’étais laissé imprégner par cette phrase avant de vraiment parler l’anglais. Tous les problèmes ne seront pas résolus, l’injustice et la douleur pas effacées, les conséquences d’une guerre pas annulées. Mais il s’agit d’un ministère de la réconciliation, entre personnes et communautés ou peuples, mais aussi entre les victimes et leur situation et leur avenir. Jésus Christ, c’est Dieu fait humain, chair et os. Du coup, être chrétien signifie valoriser l’être humain et lui donner sa dignité inébranlable, car il porte en lui l’étincelle divine. Aujourd’hui, sous le stress de la Covid, tout le monde parle de sauver l’économie. Certains disent qu’il faut sauver l’héritage judéo-chrétien. Mais ce n’est pas l’économie qui a besoin d’être sauvé, ni un héritage culturel ou religieux, ni une nation, ni une république. Aujourd’hui comme dans le temps biblique, comme en 1920, c’est l’humain et sa dignité qui doit être sauvé. Or l’humain ne vit pas de pain seulement, comme le disait Jésus, ce qui veut dire que l’humain n’est pas en premier lieu un être économique, mais un être social. C’est cela que Jésus avait manifesté. Le social, c’est quoi? C’est relationnel; la source de la relation, c’est l’amour.

Pour les 75 ans du MCC en 1995, on a posé à quelques personnes autour du monde cette question: quelles sont vos aspirations les plus profondes, vos rêves et votre espoir? Les réponses avec photos se trouvent dans un magnifique livre en noir-blanc. Une des personnes a répondu: Un toit étanche et une vache. – Alors oui, il faut donner à manger à celles et ceux qui ont faim, un toit aux sans-abris, un papier aux sans-papiers, la liberté à celles et ceux qui sont prisonniers. C’est de cela qui s’agit dans la mission du MCC, et de la mission de nous tous dans un monde brisé : valoriser ce qui est humain, retrouver et redonner sa dignité, donner à manger, rendre visite et honorer quelqu’un de notre présence, construire les communautés, faciliter les relations. Mais tout cela en toute humilité, car nul d’entre nous est l’unique détenteur de la vérité, nul d’entre nous est l’unique héritier de la miséricorde, nul d’entre nous est l’unique représentant de l’amour divin. Nous sommes toutes et tous des êtres sous la grâce de Dieu.

Print Friendly, PDF & Email

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *