Dimanche des Rameaux – Prédication par Georges Kobi

-> Eine Predigt in deutsch von Jürg Bräker ist auf der deutschen Parallelseite zu lesen

L’ânon des Rameaux

Pasteur invité à prêcher ce dimanche 5 avril dans votre communauté de la Chaux-d’Abel, je ne peux pas vous rejoindre du moment que je suis, comme vous, confiné dans mon appartement d’Yverdon-les-Bains.
D’autre part, n’ayant pas votre liste des lectures bibliques sous les yeux, j’ai tout simplement choisi le récit du jour. Et en particulier l’ânon des Rameaux; lui qui doit supporter sur son dos le poids du corps de Jésus pour son entrée à Jérusalem.
Je m’imagine donc, fraternellement, au milieu de vous; et je vous invite à me suivre dans cette méditation pour le dimanche des Rameaux.

Les textes bibliques à disposition

Nous avons le choix pour ce récit du premier jour de la semaine sainte. Folle semaine puisqu’elle nous conduit à la crucifixion de ce prochain vendredi; puis au dimanche de la résurrection, au matin de Pâques. Fait rare: nos quatre évangélistes, bien qu’à des lieux, à des auditoires, et surtout à des dates différentes, s’accordent pour reprendre le même récit, tout en le présentant chacun à leur manière.

Je vous rapelle ici les références de ces quatre versions: (note de la rédaction: pas besoin de chercher dans ta bible, en cliquant ci-dessous tu peux aller lire dans une fenêtre le texte indiqué Traduction Novelle Segond)

l’évangile de Matthieu au chapitre 21 :les versets 1 à 11;

l’évangile de Marc au chapitre 11 : les versets 1 à 11;

l’évangile de Luc au chapitre 19 : les versets 28 à 44;

l’évangile de Jean au chapitre 12 : les versets 12 à 19.

L’évangile de Matthieu

Après avoir consulté ces quatre textes, je me suis attaché à la version de Matthieu. Parce qu’elle semble la plus cohérente et la plus dépouillée.
Je vous livre en annexe ma manière « graphique » de lire le texte; en fait de le regarder, de l’observer avec mes yeux d’abord; avant de le fouiller et de l’interpréter avec l’aide de nos exégètes…

Autre raison de mon choix: le premier de nos quatre évangiles a le souci de citer et de respecter le texte prophétique de Zacharie. Une prophétie messianique rédigée assez tard, vers le IVe siècle avant Jésus-Christ.
Pour les premiers disciples de Jésus, les contemporains croyants et les interprètes du premier siècle de notre ère, il ne fait aucun doute que cette prophétie trouve son accomplissement ce jour des Rameaux.
Sa référence: chapitre 9 du livre du prophète Zacharie: les versets 9 et 10.

Le petit d’une ânesse

L’âne, dans son usage domestiqué par les humains, est bien plus ancien que le cheval. Depuis des millénaires, cette bête de somme est utilisée pour sa force, sa résistance et son pied agile sur des chemins caillouteux. Au point qu’il fut bel et bien la monture des rois en Palestine jusque vers l’an 1000.
Mais le cheval, venu d’Asie, avec sa puissance et sa noblesse, devint très vite un moyen de transport plus efficace. Et surtout un instrument de domination, de répression et de guerre. Ce qu’il reste toujours et encore pour des populations qui n’ont pas l’usage des armes modernes.

Un roi monté sur un cheval inspire le respect dû à la fonction. Il manifeste la domination, la force, la puissance. Et même la peur!
D’ailleurs, dans les textes bibliques du Premier Testament, le cheval, associé au char, est le symbole de la force militaire. Et la confiance qu’on est tenté de lui faire est directement opposée à la confiance pleine et entière dans le Dieu d’Israël.
La prophétie messianique de Zacharie – lisez le verset 10 – rappelle bien cette différence entre âne et cheval.
Dans ce texte, comme dans l’évangile de Matthieu qui le reprend, il s’agit même d’un ânon, le petit d’une ânesse. Les trois autres évangiles l’ont bien compris ainsi, puisqu’ils ne mentionnent plus l’ânesse, mais uniquement son petit.
Le petit, les petits… j’entends le récit du jugement au chapitre 25 du même évangile – les versets 40 et 45: « ce que vous avez fait – ou pas fait – à l’un de ces plus petits… »

La monture

En fait, au-delà de l’animal, il s’agit bien, pour le prophète comme pour les quatre évangiles, de la monture. Et dans la monture, il y a toute notre réalité; une réalité humaine qui n’a pas changé d’un iota. Une dimension fondamentale, déterminante de notre humanité, à la fois spirituelle et morale; mais aussi matérielle et physique
Une dimension qui se voit, qui se vit: l’homme monté sur son cheval vous toise, vous regarde d’enhaut; vous, vous le voyez d’enbas. L’homme assis à califourchon sur un ânon vous regarde à la même hauteur que vous, en face à face, en vis-à-vis.
L’homme monté sur son cheval est armé; armé de son pouvoir dominant, de sa force supérieure, répressive… Sur son ânon, au contraire, l’homme est humble et pacifique, prêt même au ridicule au milieu d’une foule. Dans cette foule, de derrière, il faut se lever pour le voir passer…

C’est ce sens-là qui me frappe dans ce récit. Avant même les disciples et leurs vêtements, avant la foule qui acclame et crie, avant même le trouble de la ville qui déjà annonce la tragédie.
Ce qui me bouscule dans ce récit des Rameaux: l’entrée dans la ville de Jérusalem de ce roi-là, sur cette monture-là. Un roi plein de douceur, un roi humble, monté sur un ânon. Un roi pacifique, prince de la paix, sauveur serviteur.
Un roi triomphant, victorieux! proclame la prophétie. Mais de quel triomphe? de quelle victoire? Celle de la douceur, de la nonviolence; celle de la soumission à la volonté du Père; celle de l’obéissance jusqu’à la mort sur la croix.
« Avant que Dieu l’élève souverainement, et lui confère le Nom qui est au-dessus de tout nom ».

En toute humilité

Je viens de citer un hymne que l’apôtre Paul adresse à ses paroissiens de la ville de Philippe. Comme si nous étions dans cette foule de Jérusalem, ce dimanche des Rameaux, prêts à suivre le Christ sur sa monture, dans la semaine de sa passion. Et Paul, juste à côté de nous, qui nous provoque; comme il provoquait jadis ses frères et soeurs philippiens.
La référence: chapitre 2 de la lettre aux Philippiens, les versets 1 à 11.
Et surtout ce verset 3 où nous sommes pris à partie:
 » Ne faites rien par esprit de rivalité ou par vaine gloire ; mais que chacun, en toute humilité, regarde les autres comme au-dessus de soi « .

Juste à côté de moi ce dimanche des Rameaux, regardant passer ce Jésus de Nazareth sur sa chêtive et humble monture, j’entends Paul me lancer ce défi à ma soi-disante humilité: regarder les autres comme au-dessus de moi!

Bien à vous. Prenez soin de vous. Et des autres!
Georges Kobi

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