Dimanche « Jubilate » – Pour quoi, Jésus est-il mort?

Prédication par Thomas Gyger

Divers textes bibliques cités
Préparé sur la base d’articles de Gregory Boyd
Image de l’article: Lamentation sur le Christ mort, Orazio Borgianni, vers 1615

Cher amis, chers frères et sœurs en Christ,

Pourquoi ? Pourquoi la croix, pourquoi Jésus est-il mort ? Quel est la raison de la mort de Jésus ?

Pourquoi ?

Si je vous demandais pourquoi Jésus a dû mourir sur la croix, vous seriez certainement beaucoup à répondre : « Pour payer mes péchés ».

La plupart des chrétiens comprennent le sacrifice de Jésus pour nos péchés comme une sorte de transaction légale qui a eu lieu entre le Père et le Fils et qui a permis à l’humanité de « s’en sortir ».

En gros, dans nos esprits, ça se passe souvent un peu de la manière suivante :

La sainteté de Dieu exige que tout péché soit puni, et cela demande en conséquence que les pécheurs soient perdus pour toujours (dans le temps on disait « aller en enfer », aujourd’hui on le dit moins).

Le problème est que Dieu aime aussi les pécheurs et ne veut pas qu’ils aillent en enfer. Donc, pour résoudre ce dilemme, le Père a envoyé le Fils pour subir le châtiment ou la punition de nos péchés à notre place.

Sur la croix, la colère de Dieu contre le péché a été déversée sur Jésus. Donc maintenant, quand les gens croient en Jésus, leurs péchés sont pardonnés et Dieu les déclare justes.

Ainsi, les croyants ont accès à la vie éternelle au lieu de se perdre et d’aller en enfer. On parle parfois ici de substitution pénale.

Alors, je sais que certains versets bibliques peuvent être lus dans ce sens ; je pense ici en particulier à Ésaïe 53, ou Romains 3.21-26. Et je ne doute pas bien sûr que Jésus est mort à notre place et qu’il a subi toutes les conséquences de mes péchés.

Mais j’ai un peu plus de peine avec cette idée que Dieu déverse sa colère sur Jésus ou comment cela nous permettrait de nous en sortir. Ça soulève quand même des questions. Par exemple :

Si Dieu exige que quelqu’un « paie le prix » du péché avant de pardonner aux pécheurs, est-ce qu’on peut dire que Dieu pardonne vraiment les péchés de ces gens ?

Tiens, si tu me dois cinq cents francs et que je t’oblige à me rembourser à moins que quelqu’un d’autre ne me rembourse à ta place, est-ce qu’on peut vraiment dire que je t’ai remis ta dette, ou que j’ai pardonné ta dette ?

Oui bien sûr, si c’est ton voisin qui paie à ta place, tu es délivré de ta dette ; mais « pardonner », c’est autre chose. Pardonner, c’est effacer l’ardoise, ce n’est pas récupérer la mise ailleurs, vous comprenez ?

Ce qui est étrange dans cette approche de la transaction juridique, c’est qu’elle semble faire de l’expiation quelque chose qui change Dieu, plutôt que de me changer moi.

Dieu aurait déclenché sa sainte colère contre le péché en punissant Jésus sur la croix. Et cela, d’une certaine manière – mais de quelle manière au juste ? – permettrait à Dieu de me pardonner, de m’accepter. Je trouve cela troublant.

Alors, je vais peut-être vous surprendre en disant que durant le premier millénaire en tous cas de l’Histoire de l’Église, les chrétiens ont répondu autrement à notre question du début : quelle est la raison de la mort de Jésus à la Croix ?

Cette idée d’expiation des péchés par transaction légale s’est répandue seulement à partir de la Réforme, vers le 16e siècle.

Avant cela, on croyait que la raison principale de la mort de Jésus sur la croix, c’était pour vaincre Satan et nous libérer ainsi de son règne oppressif. C’est d’ailleurs intéressant que la mort et la résurrection de Jésus soit associé à la Pâque, la fête où les Juifs célèbrent la libération du peuple de Dieu de l’oppression égyptienne.

La sortie d’Egypte, la libération du peuple Juif est l’évènement centrale de l’Histoire de ce peuple. L’œuvre de libération de Jésus ne l’est pas moins pour l’humanité.

Au premier millénaire, on croyait aussi bien sûr que Jésus était mort à notre place et nous avait réconciliés avec Dieu.
Toutefois, on comprenait cela non pas comme une transaction juridique, mais comme une partie de la guerre de Dieu contre le diable. L’action principale de Jésus avait consisté à détruire le diable et libérer les humains de son oppression.

Tout le reste que Jésus a accompli, y compris payer pour nos péchés, était simplement un aspect ou une conséquence de cette victoire, mais ce qui était primordiale, c’était cette victoire.

Ce point de vue sur la mort de Jésus est appelé la vision du Christus Victor, du Christ victorieux.

Ce point de vue plus ancien sur l’action de Jésus-Christ est à mon avis plus biblique et moins problématique que le point de vue de la substitution pénale. En fait, selon ce point de vue, il faudrait davantage considérer Jésus comme quelqu’un qui est venu dans le monde pour faire une révolution dont bien sûr, il est sorti vainqueur.

Et je crois qu’une telle approche peut influencer positivement la vocation et la manière de vivre de chaque disciple de Jésus, de chaque révolutionnaire du Royaume.

Je voudrais vous inviter ce matin à considérer cette façon de voir particulière, car je crois qu’elle rend plus fidèlement toute la beauté du récit du Nouveau Testament que lorsque je m’intéresse seulement à ce que Jésus à fait pour moi, ou pour le dire de manière un peu abrupte si je me dis : la mort de Jésus, ça me rapporte quoi, à moi ?

Ce motif du Christus Victor est fortement mis en valeur tout au long du Nouveau Testament.

On peut y lire que Jésus est venu dans le monde:

  • pour « chasser le prince de ce monde » (Jn 12.31)
  • pour « détruire les œuvres du diable » (I Jn 3.8)
  • pour « détruire celui qui détenait la puissance de la mort, c’est-à-dire le diable » (Héb. 2.14-15)
  • et finalement pour « mettre tous ses ennemis sous ses pieds » (I Cor 15.25).

Jésus est venu pour vaincre « l’homme fort » (Satan) qui tient le monde en esclavage ; Jésus est venu pour travailler avec ses enfants afin de « piller sa propriété » (Lc 11.21-22, la maison du diable).

Il est venu mettre fin au règne du « voleur » cosmique qui s’est emparé du monde pour « voler, abattre et détruire » la vie que Dieu nous a destinée (Jn 10.10).

Jésus est venu sur terre et il est mort sur la croix pour désarmer « les principats et les autorités » et « les livrer publiquement en spectacle » en les « entraînant dans son triomphe » (Col 2, 15).

Au-delà de ces déclarations explicites, il existe de nombreux autres passages qui expriment également le motif du Christus Victor.

Par exemple, la première prophétie de la Bible prédit qu’un descendant d’Ève (Jésus) « écraserait la tête du serpent » (Gn 3.15).

La première prédication chrétienne de l’Histoire – dans le livre des Actes – proclame que Jésus a, en principe, vaincu tous les ennemis de Dieu (Ac 2.32-36).

Et le passage de l’Ancien Testament le plus souvent cité par les auteurs du Nouveau Testament est le Psaume 110 qui prédit que le Christ allait conquérir tous les adversaires de Dieu (v. 1).
(Le Psaume 110 est cité ou suggéré dans Mt 22.41-45 ; 26.64 ; Mc 12.35-37 ; 14.62 ; Lc 20.41-44 ; 22.69 ; Ac 5.31 ; 7.55-56 ; Rm 8.34 ; I Co 15.22-25 ; Ep 1.20 ; Hé 1.3 ; 1.13 ; 5.6, 10 ; 6.20 ; 7.11, 15, 17, 21 ; 8.1 ; 10.12-13 ; I P 3.22 ; et Ap 3.21)

La fréquence à laquelle les auteurs du Nouveau Testament citent ce psaume permet d’affirmer que la victoire du Christ sur les puissances mauvaises se trouve bien au centre même de la pensée chrétienne primitive.

En bref, la mission principale de Jésus était de mettre fin à la guerre globale qui faisait rage depuis des temps immémoriaux dans le monde et de libérer ainsi les captifs de Satan (Lc 4.18 ; Ep 4.8). C’est le point de vue du Christus Victor sur l’expiation.

Le fait est que l’incarnation du Fils de Dieu, c’est avant tout une manœuvre militaire. Jésus est venu pour mettre fin à un régime d’oppression, au régime de Satan et pour reconquérir la terre, les humains et la création tout entière comme le domaine dans lequel Dieu est Roi. Il est venu pour établir le Royaume de Dieu en triomphant du royaume des ténèbres.

Donc, bien sûr, on pourrait ensuite se demander quelles sont les conséquences de cette victoire pour la vie et la manière de vivre des chrétiens ? Comment au juste les chrétiennes et les chrétiens manifestent-ils le fait qu’ils font partie de ce Royaume aujourd’hui ? Quelles sont les conséquences de cette victoire dans leurs vies ? Répondre à ces questions, c’est fondamental, mais cela dépasserait le cadre de la prédication de ce matin ; j’y reviendrai une prochaine fois.

Tout ce que Jésus a accompli – y compris révéler le caractère de Dieu, mourir à notre place et nous donner un exemple à suivre – peut être compris comme autant d’aspects de sa campagne militaire pour vaincre les puissances du mal.

Il nous a libéré de l’esclavage du péché et de la culpabilité (Rm 6.7) ainsi que de la loi comme moyen d’essayer d’acquérir la justice devant Dieu par nous-mêmes (Gal 2.16).

Mais la réalité la plus fondamentale dont nous sommes libérés est le diable. Nous avons été esclaves du péché et de la condamnation principalement parce que nous étions esclaves de Satan.

En nous « rachetant » de cet esclavage, en nous sauvant de ce royaume (Col 1.13 ; Gal 1.4), le Christ nous a en principe aussi rachetés de toute autre forme d’esclavage.

Il était prêt à faire tout ce qu’il fallait – à payer le « prix » nécessaire nous libérer du malin. Il a fallu que le Fils de Dieu devienne un homme et meure d’une mort terrible sur la croix.

D’une manière mystérieuse, cet événement a « désarmé », « chassé », « ligoté », « condamné » et « détruit » le « dieu de ce temps » qui nous avait tenus en esclavage (Col 2.15 ; Jn 12.31 ; 16.11 ; 2 Co 4.4 ; Hé 2.14).

Il a ainsi intronisé le Fils de Dieu comme roi légitime de l’univers de son Père, c’est la fameuse allusion prophétique déjà présente dans le Psaume 110.

La mort de Jésus a donc signifié la liberté, la libération, la rédemption et le salut complet pour toute personne précédemment asservie, qui était disposée à les recevoir.

Ainsi, la croix et la résurrection n’étaient pas d’abord et avant tout pour nous. Il s’agissait de vaincre le mal. Du point de vue du NT, le mal est quelque chose de beaucoup plus grand, de beaucoup plus puissant, de beaucoup plus global et de beaucoup plus envahissant que ce qui se manifeste dans notre petite vie modeste, dans mon petit contexte personnel, influencé par ma petite volonté.

Cela ne veut pas dire pour autant que nous ne sommes pas mauvais nous-mêmes, et que nous n’ayons pas besoin de Christ pour notre salut. Mais le Christ n’a fait cela que parce qu’il a fait quelque chose d’encore plus fondamental : il a porté un coup mortel à Satan et a repris le pouvoir légitime qu’il exerçait sur toute la création.

Le mal ne peut être vaincu dans notre vie que parce que le « malin » qui régnait auparavant sur un plan beaucoup plus global a lui-même été vaincu.

Nous ne sommes libérés que parce que le cosmos tout entier a été libéré de celui qui l’avait asservi auparavant. Et nous ne sommes réconciliés avec Dieu que parce que le cosmos tout entier, et l’ensemble du monde spirituel, a été réconcilié avec Dieu.

On objectera à juste titre : oui, mais alors pourquoi les guerres, les famines, les injustices, les maladies n’ont-elles pas cessées ? Un théologien avait utilisé un jour l’image du débarquement de Normandie durant la Deuxième Guerre Mondiale : le jours du débarquement par les alliés, le sors d’Hitler était scellé. Il avait perdu la guerre. Mais il a fallu encore près d’une année pour terminer la guerre.

Avec la victoire du Christ, Satan a été définitivement vaincu, mais les forces du mal sont encore capable de se déchaîner jusqu’au retour du Seigneur. Après ce sera terminé. Dieu a donc choisi de nous rejoindre physiquement dans notre réalité par l’envoi de son Fils Jésus-Christ ; c’était son désir de nous rejoindre et de se réunir avec nous.

Mais à cause de la présence des puissances du mal, à cause de notre rébellion et de notre péché, cette venue de Dieu dans le monde était aussi assortie d’une mission de sauvetage.

Pour ça, le Seigneur avait prévu une stratégie pour vaincre les puissances des ténèbres, une stratégie qui déboucherait sur sa victoire, celle du Christus Victor.

Chers amis, c’est de cela que nous nous souvenons ces jours, avec la Croix qui est un premier acte, suivi d’un autre le matin de Pâques. Que le Seigneur vous bénisse et que vous puissiez tout à nouveau prendre conscience de toute la dimension de son œuvre de salut.

Amen.

Culte du vendredi saint

Heike Geist-Gallé et Max Wiedmer (SMM) proposent aux communautés un lien sur l’enregistrement du culte de vendredi saint à la communauté du Birkenhof en Alsace. Voici l’accès sur l’enregistrement

Et voici le message de Max à ce sujet: Il est proposé de relire et de revivre les textes bibliques de la Passion du Christ. 
Ils sont accompagnés de vues de la façade « Passion » de la basilique « La Sagrada Familia » qui se trouve à Barcelone.
Il s’agit d’un culte qui a eu lieu à l’Eglise du Birkenhof le 06.04.2012.
Le son a été réadapté et les images sont d’époque.

Le programme est le suivant:

13’ Introduction avec 3 lectures et 3 chants (Aude Hirschy)

05’ La Passion 1e partie (Aude Hirschy et Max Wiedmer)

11’’ La Sainte-Cène (Luc Nussbaumer et Daniel Nussbaumer)

25’ La Passion 2e partie (Aude Hirschy et Max Wiedmer)

03’ Conclusion (Daniel Nussbaumer)

Que chaque personne ou chaque famille confinée chez elle puisse s’imprégner des textes bibliques et des commentaires qui nous conduisent jusqu’à la croix.
Dans la vidéo, à 28 minutes, la Sainte-Cène est partagée. 
Vous êtes invités à participer au repas du Seigneur : vous pouvez mettre la vidéo sur pause, le temps de prendre le pain et le vin (ou jus de fruit), que vous aurez préparés à l’avance. 

Si tu aimerais avoir le manuscrit, il est disponible sur la page en allemand

Dimanche des Rameaux – Prédication par Georges Kobi

-> Eine Predigt in deutsch von Jürg Bräker ist auf der deutschen Parallelseite zu lesen

L’ânon des Rameaux

Pasteur invité à prêcher ce dimanche 5 avril dans votre communauté de la Chaux-d’Abel, je ne peux pas vous rejoindre du moment que je suis, comme vous, confiné dans mon appartement d’Yverdon-les-Bains.
D’autre part, n’ayant pas votre liste des lectures bibliques sous les yeux, j’ai tout simplement choisi le récit du jour. Et en particulier l’ânon des Rameaux; lui qui doit supporter sur son dos le poids du corps de Jésus pour son entrée à Jérusalem.
Je m’imagine donc, fraternellement, au milieu de vous; et je vous invite à me suivre dans cette méditation pour le dimanche des Rameaux.

Les textes bibliques à disposition

Nous avons le choix pour ce récit du premier jour de la semaine sainte. Folle semaine puisqu’elle nous conduit à la crucifixion de ce prochain vendredi; puis au dimanche de la résurrection, au matin de Pâques. Fait rare: nos quatre évangélistes, bien qu’à des lieux, à des auditoires, et surtout à des dates différentes, s’accordent pour reprendre le même récit, tout en le présentant chacun à leur manière.

Je vous rapelle ici les références de ces quatre versions: (note de la rédaction: pas besoin de chercher dans ta bible, en cliquant ci-dessous tu peux aller lire dans une fenêtre le texte indiqué Traduction Novelle Segond)

l’évangile de Matthieu au chapitre 21 :les versets 1 à 11;

l’évangile de Marc au chapitre 11 : les versets 1 à 11;

l’évangile de Luc au chapitre 19 : les versets 28 à 44;

l’évangile de Jean au chapitre 12 : les versets 12 à 19.

L’évangile de Matthieu

Après avoir consulté ces quatre textes, je me suis attaché à la version de Matthieu. Parce qu’elle semble la plus cohérente et la plus dépouillée.
Je vous livre en annexe ma manière « graphique » de lire le texte; en fait de le regarder, de l’observer avec mes yeux d’abord; avant de le fouiller et de l’interpréter avec l’aide de nos exégètes…

Autre raison de mon choix: le premier de nos quatre évangiles a le souci de citer et de respecter le texte prophétique de Zacharie. Une prophétie messianique rédigée assez tard, vers le IVe siècle avant Jésus-Christ.
Pour les premiers disciples de Jésus, les contemporains croyants et les interprètes du premier siècle de notre ère, il ne fait aucun doute que cette prophétie trouve son accomplissement ce jour des Rameaux.
Sa référence: chapitre 9 du livre du prophète Zacharie: les versets 9 et 10.

Le petit d’une ânesse

L’âne, dans son usage domestiqué par les humains, est bien plus ancien que le cheval. Depuis des millénaires, cette bête de somme est utilisée pour sa force, sa résistance et son pied agile sur des chemins caillouteux. Au point qu’il fut bel et bien la monture des rois en Palestine jusque vers l’an 1000.
Mais le cheval, venu d’Asie, avec sa puissance et sa noblesse, devint très vite un moyen de transport plus efficace. Et surtout un instrument de domination, de répression et de guerre. Ce qu’il reste toujours et encore pour des populations qui n’ont pas l’usage des armes modernes.

Un roi monté sur un cheval inspire le respect dû à la fonction. Il manifeste la domination, la force, la puissance. Et même la peur!
D’ailleurs, dans les textes bibliques du Premier Testament, le cheval, associé au char, est le symbole de la force militaire. Et la confiance qu’on est tenté de lui faire est directement opposée à la confiance pleine et entière dans le Dieu d’Israël.
La prophétie messianique de Zacharie – lisez le verset 10 – rappelle bien cette différence entre âne et cheval.
Dans ce texte, comme dans l’évangile de Matthieu qui le reprend, il s’agit même d’un ânon, le petit d’une ânesse. Les trois autres évangiles l’ont bien compris ainsi, puisqu’ils ne mentionnent plus l’ânesse, mais uniquement son petit.
Le petit, les petits… j’entends le récit du jugement au chapitre 25 du même évangile – les versets 40 et 45: « ce que vous avez fait – ou pas fait – à l’un de ces plus petits… »

La monture

En fait, au-delà de l’animal, il s’agit bien, pour le prophète comme pour les quatre évangiles, de la monture. Et dans la monture, il y a toute notre réalité; une réalité humaine qui n’a pas changé d’un iota. Une dimension fondamentale, déterminante de notre humanité, à la fois spirituelle et morale; mais aussi matérielle et physique
Une dimension qui se voit, qui se vit: l’homme monté sur son cheval vous toise, vous regarde d’enhaut; vous, vous le voyez d’enbas. L’homme assis à califourchon sur un ânon vous regarde à la même hauteur que vous, en face à face, en vis-à-vis.
L’homme monté sur son cheval est armé; armé de son pouvoir dominant, de sa force supérieure, répressive… Sur son ânon, au contraire, l’homme est humble et pacifique, prêt même au ridicule au milieu d’une foule. Dans cette foule, de derrière, il faut se lever pour le voir passer…

C’est ce sens-là qui me frappe dans ce récit. Avant même les disciples et leurs vêtements, avant la foule qui acclame et crie, avant même le trouble de la ville qui déjà annonce la tragédie.
Ce qui me bouscule dans ce récit des Rameaux: l’entrée dans la ville de Jérusalem de ce roi-là, sur cette monture-là. Un roi plein de douceur, un roi humble, monté sur un ânon. Un roi pacifique, prince de la paix, sauveur serviteur.
Un roi triomphant, victorieux! proclame la prophétie. Mais de quel triomphe? de quelle victoire? Celle de la douceur, de la nonviolence; celle de la soumission à la volonté du Père; celle de l’obéissance jusqu’à la mort sur la croix.
« Avant que Dieu l’élève souverainement, et lui confère le Nom qui est au-dessus de tout nom ».

En toute humilité

Je viens de citer un hymne que l’apôtre Paul adresse à ses paroissiens de la ville de Philippe. Comme si nous étions dans cette foule de Jérusalem, ce dimanche des Rameaux, prêts à suivre le Christ sur sa monture, dans la semaine de sa passion. Et Paul, juste à côté de nous, qui nous provoque; comme il provoquait jadis ses frères et soeurs philippiens.
La référence: chapitre 2 de la lettre aux Philippiens, les versets 1 à 11.
Et surtout ce verset 3 où nous sommes pris à partie:
 » Ne faites rien par esprit de rivalité ou par vaine gloire ; mais que chacun, en toute humilité, regarde les autres comme au-dessus de soi « .

Juste à côté de moi ce dimanche des Rameaux, regardant passer ce Jésus de Nazareth sur sa chêtive et humble monture, j’entends Paul me lancer ce défi à ma soi-disante humilité: regarder les autres comme au-dessus de moi!

Bien à vous. Prenez soin de vous. Et des autres!
Georges Kobi

Foi, confiance et courage

Méditation pour le dimanche 29 mars 2020Hansuli Gerber

Tout en bas de la page, il y a un lien « Laisser un commentaire » – à toi de jouer si tu en as envie ou si tu as quelque chose à contribuer…

Voici les textes pour ce dimanche, selon le calendrier anabaptiste (en cliquant sur la référence, un nouveau onglet s’ouvre avec le texte biblique, version TOB. Tu peux aussi choisir une autre traduction. La fenêtre actuelle ici reste ouverte, tu peux y revenir)

Psaume 130 (Chant des montées – vers Jérusalem pour Pâques)
Ezechiel 37, 1 – 14 (les ossements réanimés)
Jean 11, 1 – 45 (Jésus rappelle Lazare à la vie)
Romains 8, 6-11 (La matière et l’esprit) 

Notre thème

Notre thème trimestriel est la foi selon le verset annuel : je crois, vient au secours de mon manque de foi. Ici, nous allons essayer de trouver un fil rouge entre les textes bibliques et en lien avec notre thème.

Note technique: dans le texte qui suit, il y a des endroits où par un clic une fenêtre s’ouvre pour aller un peu plus loin dans la réflexion sur le détail en question.

Notre contexte

Nous avons dit à plusieurs reprises que la foi est quelque peu synonyme de la confiance. Confiance et foi sont d’une grande importance dans cette période qui est comme une épreuve, non seulement pour nous entant qu’individus ou pour la communauté, mais pour notre société et notre humanité entière. Toute la planète est concernée et menacée par ce petit virus qui a réussi à faire changer nos habitudes et bien de choses que nul politicien ou gouvernement aurait pu changer. Ni les gilets jaunes en France, ni les manifs autour du climat ont eu l’effet sur notre comportement qu’a eu covid-19.

Donc voilà deux motifs de base:

La foi et la confiance, dont nous avons besoin actuellement, les uns envers les autres, envers nos autorités, envers l’univers et envers Dieu. Sans la confiance, nous sommes abandonnés à la détresse. Notre vie de famille, de communauté, de voisinage et aussi au niveau de la société n’est inimaginable sans la confiance. Sans confiance, la vie devient vite invivable et destructrice.

Cliquer pour lire le rapport avec le Psaume 130

L’autre motif, c’est le changement. Pas le changement climatique cette fois-ci, mais le changement du comportement humain au quotidien. Et à fond! Ce motif, que la crise actuelle nous impose avec force, est un motif récurrent et très fréquent dans la bible, comme un fil rouge…

Cliquer pour lire plus au sujet du changement

Je pense que la période actuelle, qui est une grande crise de l’humanité à l’échelle mondiale et qui va entrainer des changements profonds et durables au-delà de ce que nous pouvons aujourd’hui imaginer, est une vrai et peut-être unique chance à saisir afin que ce changement ne soit pas laissé au hasard ni aux puissances qui servent que l’argent et le pouvoir. S’agit-il ici de ce dont parle l’apôtre Paul dans Romains 8? « La chair tend à la mort, mais l’Esprit tend à la vie et à la paix » (ToB). D’autres traductions rendent le même verset comme suit: « Les préoccupations humaines mènent à la mort ; mais les préoccupations spirituelles mènent à la vie et à la paix. » (nouvelle français courant). La Second 21 utilise le terme « la nature humaine ». Soit. Notez que l’Esprit est écrit avec E-majuscule, donc on peut supposer qu’il s’agit ici de l’Esprit de Dieu. Cet Esprit non seulement tend à la vie, il donne la vie, car c’est l’Esprit créateur, l’esprit de paix et de miséricorde. C’est cet Esprit là qu’inspire les chrétiens dit Paul.

Nous voyons partout dans les affaires de ce monde les résultats de la chair, voire de la nature humaine dont Paul parle ici. La destruction, la guerre, l’injustice, l’amour de l’argent… Mais il ne faut pas oublier que la nature humaine n’est pas entièrement mauvaise.

Rapport plus détaillé avec l’épitre aux Romains ici

Revenons maintenant au thème du changement. Dans la bible, le changement est souvent une question de vie et de mort. Aujourd’hui, juste avant que le virus frappe à plein fouet, les jeunes partout dans le monde martelaient que sans changement radical, l’humanité sera tantôt condamnée à disparaitre. Car la terre deviendrait invivable. Elle l’est déjà pour un nombre croissant d’espèces. A quand l’espèce humain?

Je ne fais pas partie de ceux qui disent, mais non, Dieu nous gardera de toute façon, quoi qu’il arrive. C’est une fausse bonne confiance. Voilà pourquoi: Premièrement, tout au travers de la Bible, les humains ont le choix, et dans certaines situations, le mauvais choix conduit à la mort. Deuxièmement, nous le savons même si nous avons tendance à l’oublier, notre existence n’est pas infinie, nous allons tous mourrir un jour. Notre planète va une fois disparaitre. Notre univers va une fois basculer. Comme le disait Jésus: le ciel et la terre vont disparaitre, mais mes paroles ne disparaitront pas. (Mt 24,35)

Nous pourrions faire tout une excursion sur le terrain de la matière et de l’Esprit. La matière va disparaitre, elle est éphémère. L’Esprit, comme l’amour, ne disparaitront pas, jamais. Voilà qui est la raison primordiale pour mettre en avant, à notre époque et particulièrement face aux crises multiples que notre humanité traverse, l’amour, la miséricorde, la justice. Car ce sont les expressions de l’Esprit qui est éternel et impeccable. Même si nous mourrons, il reste présent et il continue à donner la vie et à recréer le monde, d’une manière ou d’une autre.

Rétablissement à la vie : La vision d’Ezechiel et Lazare revenu parmi les vivants

Avec cela, nous nous approchons du texte de l’ancien testament, ainsi que du texte des évangiles, indiqués pour ce dimanche. L’Esprit de Dieu envoie le prophète dans le désert où des ossements sont dissimulés sur une grande surface. L’oracle de Dieu – c’est à dire sa parole qui est plus qu’une série de mots, mais c’est la force de l’esprit divin – fait bouger les os, les rassembles et les réanime. Ce texte a traditionnellement été interprété comme image du rétablissement d’Israël. Il s’avère que l’idée d’Israël comme état-nation fait fausse route. Il me semble plus approprié de faire le lien avec la vision dans l’apocalypse de Jean d’un nouveau ciel et d’une nouvelle terre.

Jésus appelle le défunt Lazare pour qu’il sorte de la tombe (une grotte). Jésus est boulversé et il pleure. La mort le perturbe visiblement. Ce qu’il veut, c’est la vie de ses amis et la gloire de Dieu. Cette gloire est établi en donnant, ou en redonnant la vie. C’est la vocation de Jésus, c’est la volonté de Dieu. Cependant, nous restons mortels et Jean ne raconte pas cette épisode pour suggérer que dès lors, les croyants pourront faire sortir de leur tombeau les défunts. Jean montre que Jésus est attaché à la vie et engagé pour la vie, et qu’il ne s’arrête pas devant la prévisible condamnation par les chefs religieux. Eux cherchent la conservation de leur tradition et la perpétuité de leur institution et le pouvoir qui vient avec elle. Alors ils décident de faire taire Jésus une fois pour toutes, car sinon ce sera la révolte généralisée. C’est que Jésus voit au-delà de l’instant et des institutions que nous pensons définitives mais qui sont de passage.

Conclusion

Nous avons besoin de confiance et de foi, mais aussi de courage. Car nous sommes confrontés à un rude rappel de la vulnérabilité humaine et de la fragilité de nos institutions et de notre société. Qui est plus, l’ordre économique et politique au niveau mondial est concerné. La confiance est possible par la foi en Dieu, la source de toute vie, qui est miséricordieux et qui sait reconstruire ce qui s’est effondré et rappeler à la vie ce qui n’est pas en vie ou ce qui est mort. Et nous avons besoin de courage, parce que l’effondrement qui menace est sérieux, et parce que le rétablissement auquel nous osons croire ne nous ramènera pas en arrière où nous étions avant, mais en avant, vers de nouveaux horizons.

Il est d’ailleurs important de se rappeler que d’innombrables personnes sont sous une énorme pression et souffrent, ici et ailleurs, surtout les réfugiés et dans des pays en guerre ou qui n’ont pas de gouvernement fonctionnel. Nous pouvons intercéder pour eux.

Si nous disons avoir confiance, ce n’est pas parce que nous écartons toute possibilité de changement drastique ou même de l’effondrement, mais parce que nous croyons à la présence divine et à sa puissance re-créatrice au delà de l’effondrement. Dans le monde, nous avons peur, mais nous pouvons avoir confiance, car le Christ à surmonté le monde.

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Ce psaume est un "chant des montées". Cela veut dire qu'il était chanté lors de la montée vers Jérusalem, normalement pour Pâques. Il fallait se préparer, exprimer sa confiance en Dieu et sa capacité et sa volonté de pardonner. La confiance, c'est peut-être le motif le plus fréquent dans les Psaumes. En général, cette confiance est liée à l'expression du désir de Dieu, de son attention et de sa présence.

Le changement, c'est à dire, l'appel au changement, la nécessité du changement, est un sujet récurrent dans la bible des le début jusqu'à la fin. Changement de vue et de perspective, changement de coeur, changement d'attitude, changement de comportement, changement de vie. C'est comme si les prophètes et Jésus disaient que sans changement, vous allez rater la vie. Certains d'entre nous pensent peut-être à l'appel insistant à la conversion qui était très fréquent et obligatoire pour les générations du début du 20e siècle. Bien sûr, on avait une idée précise et figée de la conversion. Nous avons dépassé cette compréhension étroite, mais aujourd'hui la tendance c'est de ne pas clairement voir la nécessité du changement individuel et collectif dans notre monde qui va si mal. On a tendance à se réfugier dans la sécurité acquise et imaginée - au niveau matériel et national - et on cherche le préservation du statut quo à tout prix. Il y a des chrétiens - et des partis politiques - qui promettent que cela marche et tout ira au mieux. Recettes simplistes au problèmes complexes.

La question de la nature humaine, à savoir si l'homme est mauvais ou pas, est un des grand débats depuis des siècles. C'était une des questions décisives lors des débats entre réformateurs et anabaptistes et il ne faut pas oublier que ce n'était en aucun cas un débat entre pareils. Dévier du point de vue des réformateurs signifiait la persécution, voire la mort. Notre tradition anabaptiste dit que l'être humain est certes corruptible, mais qu'il n'est pas entièrement mauvais. L'image de Dieu n'a pas été totalement détruite ou perdue, disent les anabaptistes, mais il est brisé comme dans un miroir qui est fracturé. Aujourd'hui en contraste, la tradition évangélique a plutôt tendance à mettre l'accent sur la perdition totale de l'être humain. On cite volontiers la parole du Psaume 51: je suis né pécheur, j'ai été conçu dans le péché. Ou dans Genèse 8,21: le coeur de l'homme est mauvais dès son plus jeune âge. Cependant, ni l'un ni l'autre de ces textes disent que la nature humaine n'est que mauvaise et qu'elle est entièrement pourrie.

Les sciences humains de nos jours sont plutôt unanimes que l'être humain porte en lui le potentiel et du mal et du bien. N'est-ce pas beaucoup plus proche de la Bible et surtout des évangiles que les discours reçus par la génération de nos ancêtres?

Cela me rappelle la petite histoire du grand-père qui dit à son petit-fils qu'il a en lui deux loups, un gentil loup et un méchant loup. Le garçon demande: mais lequel des deux va gagner? Et le grand-père de dire: celui que tu nourris continuellement.