Depuis le début de cette année, nous avons réfléchi à la foi, ou plus précisément à notre manque de la foi et son augmentation, voire son approfondissement.
A partir de maintenant et jusqu’en automne, nous nous tournerons vers le thème de la confiance. La confiance, c’est proche de la foi. En fait, dans les traductions diverses de la bible, parfois les deux mots semblent interchangeables. Je ne vous propose pas aujourd’hui de méditer à la ressemblance des deux expressions, mais plutôt de nous pencher un moment sur les conditions de la confiance et ces enjeux. Ce n’est qu’un début, car c’est un grand thème qui est traité bien au-delà de la sphère religieuse. Bon nombre de spécialistes de la société s’y penchent depuis un certain temps. La perte de confiance est liée à l’augmentation de la corruption et des mensonges. Comment la confiance que nous accordons – ou que nous n’accordons pas – à quelqu’un ou à quelque chose se répercute-t-elle dans notre vie et dans notre monde? Quelles sont les conséquences?
Confiance et croyance
Alors je vous lance un petit défi ce matin en vous disant: Peu importe si tu crois en Dieu ou pas. La question est de savoir si tu lui fais confiance.
Nous en avions parlé lors de l’ouverture du thème de la foi: la foi, c’est différent de la croyance. Or aujourd’hui, trop souvent, la question de Dieu ou de la religion est réduite à une croyance. Si le diable existe bel et bien, lui aussi croit en Dieu. On peut croire en Dieu et faire confiance surtout à soi-même, à l’argent, à la force, etc. C’est vrai qu’il ne faut pas tout croire, surtout dans notre temps de fake news. Mais là où les choses deviennent vraiment sérieuses, dans le sens existentiel de notre vie, c’est quand il s’agit de faire confiance, de se confier.
Perte de confiance
Actuellement, une perte de confiance dans nos sociétés est constatée. Selon des sondages en Allemagne, seul 19% ont confiance en la politique, presque 70% ont perdu confiance. La confiance continue à s’effondrer aussi vis-à-vis des médias, de la police, des membres de sa propre famille, dans les humains en général. On entend des personnes dire qu’ils aiment leur chat ou leur chien, car à lui on peut au moins faire confiance. On peut comprendre, et c’est vraiment triste. Nous vivons une perte de confiance dans la vie, non seulement dans les institutions et les gens, mais plus profondément dans la bonté inhérente de la création et de l’humanité. Le problème n’est alors pas de croire en Dieu ou pas, mais d’avoir perdu toute confiance, de ne plus savoir faire confiance.
La confiance est fondamentale
Pour préparer cette prédication, j’ai consulté des sites internet qui parlent de la confiance. Ce que j’ai découvert a dépassé mes attentes: la confiance est jugé par les spécialistes des questions de société (sociologues, anthropologues, politologues) comme absolument essentielle pour la société. Sans confiance, rien ne marche. La crise Covid a remis en avant ce constat. Le Conseiller fédéral Alain Berset a régulièrement parlé de confiance, mais aussi d’humilité. Je pense que les deux sont intimement liées. A mon avis d’ailleurs, lors de cette crise de la Covid-19, Berset s’est montré digne de confiance.
La confiance qu’a un petit enfant initialement est fondamentale et elle va être élaborée davantage. L’enfant non seulement fait confiance, il ne compte pas sur sa propre capacité. Il sait qu’il est dépendant. Plus tard, cette confiance peut se perdre pour de bon et il va être extrêmement long de construire une notion de confiance en qui et en quoi que ce soit. Comment se fait-il qu’aujourd’hui tant d’enfants grandissent sans apprendre la confiance? D’où vient le profond déficit de confiance dans notre société?
Actualité politique
Certains politiques misent sur la communication, d’autres misent sur l’argent, encore d’autres sur la force et la manipulation. Mais s’il n’y a pas ni confiance ni humilité, rien ne pourra arranger les choses. Ce qui se passe aux USA actuellement est une cruelle et tragique démonstration de cette vérité. On parle de Dieu, on se réclame du christianisme, même de Jésus, mais on se croit en-dessus de tout et on fait confiance surtout à l’argent et aux armes.
Le texte de ce dimanche
Ici peut intervenir la parole que Jésus dit à ses disciples, selon les évangiles de Matthieu et Luc : “Qui vous accueille m’accueille moi-même, et qui m’accueille, accueille celui qui m’a envoyé“.
Je suis frappé par ces paroles. Jésus ne dit pas: vous devez faire ceci et cela. Il dit: Qui vous accueille m’accueille. C’est merveilleux et réaliste en même temps. Il sait que pas tout le monde va accueillir les disciples. Mais quiconque les accueille, accueille Jésus, le Christ et qui accueille le Christ accueille celui qui l’a envoyé, Dieu le Père et Créateur de l’univers. Peu importe leur credo, leur histoire, leur couleur, leur opinion, leur grandeur de souliers.
Accueil – humilité – justice
Je suis frappé par une autre chose qui en fait n’aurait pas dû me surprendre: c’est le lien biblique entre la confiance, l’humilité et la justice. Quand vous lisez le texte de l’épître de ce dimanche, les Psaumes 30 – 35 et aussi les prophètes, vous trouverez souvent l’encouragement à faire confiance suivi par l’appel à faire justice, à être attentif à celles et ceux qui sont vulnérables et affaiblis, opprimés ou persécutés. Ces choses vont de paire.
Cela nous rappelle d’autres paroles de Jésus: J’étais un étranger et vous m’avez accueilli J’avais faim et vous m’avez donné à manger J’étais nu et vous m’avez habillé J’étais en prison et vous m’avez rendu visite (tous Mt 25)
Trois choses à revoir
La première chose, c’est que personne ne peut être obligé à faire confiance. La confiance ne s’impose pas, elle ne se décrète pas. Dieu serait le dernier à le faire. La confiance, c’est une porte ouverte, un accueil de libre consentement.
La deuxième chose, c’est admettre que nous sommes des humains faillibles comme tout le monde. Non seulement sommes nous faillibles, mais nous ne pouvons vivre que par nos propres moyens. Je pense qu’il faut arrêter de penser que les chrétiens sont meilleurs que les autres. Comme il faut arrêter de penser que les blancs sont meilleurs que les noirs et que c’est normal que les blancs soient supérieurs hiérarchiquement.
La troisième chose: reconnaître que l’église n’est pas le royaume de Dieu et qu’elle est faillible et imparfaite comme toute autre institution humaine. Il faut arrêter de penser que celles et ceux qui ne se joignent pas à nous sont perdus.
Confiance en Dieu?
Alors, mis à part son animal domestique, en qui peut-on avoir confiance dans ce monde devenu un peu ou totalement fou? Vous connaissez tous la bonne réponse : On peut faire confiance à Dieu. C’est bien de cela que la bible parle, du début à la fin. Les psaumes sont clairs: Ne te confie pas aux princes, mais confie-toi à Dieu. Mon oncle Samuel des Reussilles, le grand Samuel avec sa voix puissante, le disait souvent: c’est bien de faire confiance à des personnes. Mais il faut rester réaliste: on peut être mal compris, trahi ou même abandonné par n’importe qui, de toute façon, la personne en qui nous avons confiance va un jour mourir. Alors la seule confiance qui restera toujours sans faille, c’est celle envers Dieu. Dieu ne nous trahit jamais. Il nous défie, il nous laisse errer, mais il ne nous trahira pas.
Conclusion
Le texte de l’évangile, met les disciples de Jésus, non pas dans le rôle de ceux qui accueillent, mais dans le rôle de ceux qui sont accueillis. Quant on accepte d’être accueilli, on fait confiance, comme ceux qui accueillent font confiance. Les deux ont une mesure d’humilité, sachant qu’ils reçoivent et donnent, c’est un échange mutuel et libre. On dépend les uns des autres. La confiance se construit dans cette rencontre et dans cet échange. Car les deux, celui qui accueille et celle qui est accueillie, dépendent non seulement l’un de l’autre, mais ils dépendent les deux de celui qui les a créés et qui façonne et nourrit la terre et guide l’univers. Toutes ces choses nous dépassent de loin. Alors nous pouvons nous confier pour notre destin au Créateur de toute chose et cela passe directement par notre bienveillance envers “ces petits qui sont dans le besoin”.
Ce dimanche est l’occasion pour les églises et les communautés de se rendre compte de la réalité des réfugiés dans le monde et en Suisse. Il y a dans le monde 70 Millions de réfugiés. Ils ont quitté leur foyer et leur pays, poussés par la détresse ou par la force de la violence, mais ils ne sont pas les bienvenus, ils ne devraient disparaître partout, ils sont méprisés et soupçonnés de part et d’autre.
Dans l’agenda anabaptiste, ce dimanche est placé sous la parole de Jésus: « Vous êtes plus précieux que les moineaux ». Si cette parole est bien valable pour les réfugiés, leur réalité vécue leur dit trop souvent le contraire.
Chers frères et soeurs en Christ, chers amis de La Chaux-d’Abel,
Laissez-moi tout d’abord vous transmettre les très cordiales salutations de votre communauté soeur de Courgenay. Elle aussi a effectué la reprise des cultes en ce 1er dimanche de juin et a la joie d’accueillir, pour ce nouveau départ, la pasteure Simone Brandt. Ce dimanche est un dimanche vraiment particulier et la rencontre de ce matin est un culte hors du commun. Après l’impossibilité de se revoir pendant une douzaine de semaines, il me semblait impensable de reprendre le cours des célébrations sans que mon message ne revienne un tant soit peu sur ce que nous venons de vivre. Durant ces longues semaines de semi-confinement, le vécu des gens n’a pas été le même partout. Pour les uns, les jours se sont succédés dans un stress toujours plus difficile à supporter. D’autres, qui étaient peut-être plus portés à voir le verre à moitié plein, ont découvert, malgré les mesures de protection, des plaisirs et une perception du temps qu’ils n’avaient plus connus depuis longtemps. J’aimerais, dans un premier temps, évoquer quelques-unes de ces situations.
A l’écoute des détresses et des plaisirs partagés.
Dans notre voisinage, j’ai rencontré une personne proche de la retraite, très préoccupée par les multiples manières dont le virus pouvait se transmettre d’une personne à l’autre. Le fait est qu’on savait si peu de chose au début de la crise. Comment s’y prendre pour éviter toute infection? Son courrier, cette personne le déposait systématiquement pendant 2-3 jours dans son garage, ses rencontres avec les voisins étaient réduites au strict minimum et les distances de sécurité étaient doublées. “Quand cela va-t-il s’arrêter? Dites-moi, on en a encore pour longtemps? Je ne sais pas comment je vais pouvoir reprendre l’enseignement sans être infectée par le virus. C’est trop risqué, trop difficile. Je n’en dors plus. “Une situation parmi tant d’autres qui montre l’insécurité et la peur vécue au quotidien.
Dans un EMS de la région biennoise, les résidents ont été privés de sortie pendant quasi 2 mois et demi. Les proches étaient interdits de visite. Restait le téléphone. Mais comment établir la communication quand les doigts n’obéissent plus? “C’est maintenant que j’aurais besoin de parler à mon épouse. Oui, bien sûr, il y a le personnel soignant. Mais est-ce que j’ose déranger l’aide-soignante à cette heure tardive? Ma femme, il y a si longtemps que je ne l’ai pas vue. Nos presque 60 ans de vie de couple vont-ils se terminer ainsi? Ce n’est pas ce que j’imaginais quand j’ai accepté de venir dans ce home. Et tous ces jours pendant lesquels je dois me contenter des 15m carrés de ma chambre sans pouvoir ressentir la brise printanière sur mon visage, sans voir, comme chaque année, les premières fleurs de la lisière, sans entendre les premiers chants d’oiseaux. Le printemps est si magnifique. Oui, … dehors. Moi qui aimais tant sortir, qui aimais tant me balader.” Une situation parmi tant d’autres qui montre la solitude, l’éventualité d’une fin de vie déconnectée des êtres les plus chers.
Chacun se souvient de la polémique engendrée, surtout en France, par la rencontre qui s’est déroulée à l’Eglise évangélique de la PORTE OUVERTE du 17-24 février à Mulhouse. A ce moment-là personne, ne connaissait les dangers qu’on courait à participer à de grands rassemblements. Le président français ne se trouvait-il pas lui-même dans cette ville deux jours après le début des rencontres. Aucune mesure sanitaire n’avait encore été décrétée. On ne savait pas ce qu’était un “cluster” et le mot “confinement” ne faisait pas encore partie de notre vocabulaire courant… A Courgenay, dans notre groupe de messagerie, quelqu’un a posté une vidéo très émouvante montrant le pasteur de cette église, Samuel Peterschmitt, à peine guéri d’une sévère infection du coronavirus. La vidéo le montre, souvent au bord des larmes, en dialogue avec un ami, pasteur au Québec.
Il raconte son vécu à l’hôpital, l’issue incertaine de sa maladie, les moments où il était à bout de forces. “Je n’avais même plus la force de prier”, dit-il. Et là, lui qui habituellement prêche un Dieu puissant, capable d’accomplir des plus grands miracles, il avoue dans cet entretien que la foi se manifeste aussi dans la faiblesse. Il confesse que la foi qu’il a prêchée était parfois “arrogante” et le Dieu qu’il annonçait était “réduit à un simple exécutant”. SP, que l’on sent très affaibli, déplore le décès de ses amis infectés par le virus, il regrette que son message ait parfois *écrasé”, “culpabilisé” ses auditeurs, en leur demandant des “choses qu’ils ne pouvaient pas faire”. Il pense qu’il est nécessaire de revenir à “cette humilité qui reconnaît la grandeur de Dieu”.Une situation parmi d’autres qui touche par la tristesse, l’humilité et la demande de pardon qui en émerge.
Alors que nous nous demandions parfois où avait passé le savoir-vivre qui permet de se côtoyer agréablement en société, cette période a également vu se mettre en place des gestes réjouissants.
On a redécouvert que sur le pallier d’en face vivait un-e voisin-e âgé-e à qui l’on pouvait donner un coup de main et à l’occasion, applaudir et chanter avec lui/elle depuis son balcon le soir à 9h pour toutes les bonnes volontés qui luttaient aux côtés des malades contre le COVID-19.
On a redécouvert que le temps n’était plus une succession de rendez-vous et de déplacements dans un environnement urbain saturé de particules fines mais un espace dont on pouvait disposer autrement, un espace à réinventer différemment et à partager – à bonne distance bien sûr – avec ses proches.
On a redécouvert que la nature autour de nous, quand on ne la perturbait pas, vivait à son rythme, qu’elle nous offrait la beauté de sa floraison, la subtilité de ses parfums, la fraîcheur de ses couleurs, les multiples bruissements de tout ce qui l’habite. C’est cet émerveillement-là et la grandeur de son Créateur que louait le Ps 8 lu en introduction.
Une situation parmi tant d’autres qui touche par la disponibilité, la reconnaissance des gens et leur joie de vivre dans un environnement, fragile et à redécouvrir.
J’aimerais lire maintenant trois versets situés à la fin de l’évangile de Matthieu.
Matth. 28. 16 Quant aux onze disciples, ils se rendirent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre. 17 Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais ils eurent des doutes (BL certains). 18 Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. 19 Allez donc : de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, 20 leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. »
Il s’agit là d’un texte que nous connaissons bien et les prédications sur ce passage sont nombreuses. Je vous propose aujourd’hui d’en redécouvrir un des messages à partir d’une “prédication un peu différente”. Il est question ce matin d’appel, de vocation, de mission.Pour approcher ce thème, découvrons ensemble un tableau et écoutons ensuite un extrait de presse. Le tableau tout d’abord. Il se trouve à Rome dans l’Eglise Saint Louis des Français (San Luigi dei Francesi) et il a été peint en 1599 par le Caravage (1571-1610). Il représente l’épisode où Jésus choisit lui-même un disciple.
Un bureau de douane, en intérieur, à l’extérieur?? 2 groupes de personnes se distinguent par leurs vêtements.
A gauche, le premier groupe, formé de trois jeunes hommes et de deux personnages plus âgés, est vêtu comme les contemporains du Caravage à la fin du XVIe s.
2e groupe, à droite : le Christ (fine auréole) et Pierre, qui nous tourne le dos, tous deux sont vêtus à l’antique. Leurs pieds indiquent leur origine modeste et peut-être aussi qu’ils étaient en marche dans la région et qu’ils viennent d’entrer dans “notre temps” (cf vêtements contemporains du Caravage gr. de g.)..
La main tendue du Christ, (cf. main de Dieu dans la fresque de la création (vers 1511) dans la chapelle Sixtine par Michel-Ange 1475-1564), une main créatrice!, comme une flèche qui traverse l’espace noir qui sépare les deux groupes de personnages.
Le Christ lui-même sort à peine de l’ombre. La lumière qui vient de derrière lui et qui accompagne son appel éclaire tous les personnages attablés. Qui le Christ désigne-t-il? Difficile de le savoir au 1er coup d’oeil. Le Christ intervient dans notre quotidien et dit à l’un de nous : “Viens, suis-moi!” Matthieu va-t-il le suivre? cf texte : Il se leva (> résurrection) et le suivit Toute la scène semble attendre la réponse que Matthieu va donner à cet appel.
À l’extrême-gauche du tableau, à l’opposé du Christ, un jeune. A côté de lui un vieillard, debout, le seul à porter des lunettes (est-il vraiment clairvoyant ce tentateur qui semble murmurer à l’oreille du jeune homme “Ce qui compte dans la vie, c’est l’argent. Il fera ton bonheur…), Tous deux semblent comme indifférents à l’appel et au geste de Jésus. Ils sont absorbés par leurs comptes. (cf fresques de Lucca Signorelli > l’anti-Christ).
Les visages des différents personnages expriment plusieurs sentiments. Cela montre la diversité des réactions à l’appel de Jésus : interrogation, surprise, indifférence, doute… A l’opposé de la main du Christ, on devine d’autres mains. Comme le tableau est relativement sombre, on a de la peine à savoir à qui elles sont. Matthieu, le collecteur d’impôts, le collabo, l’homme que chaque juif déteste, tout étonné, a gardé une main posée sur les pièces de monnaie qu’il était en train de compter (?), mais avec l’autre il fait un geste qui ressemble à celui de Jésus. Est-ce qu’il se désigne en hésitant ou est-ce qu’il montre le jeune homme en bout de table dont on devine le regard fixé sur l’argent. Les pièces sont éclairées. Le visage est dans l’ombre.
Le tableau nous réserve encore d’autres surprises. Par ex.
la table, sur laquelle est posé l’argent, où tous semblent s’appuyer et notamment l’homme tout à gauche, cette table n’a pas de pieds visibles. Le peintre veut-il nous faire comprendre que ces personnages font confiance au vide, s’appuient sur le vide?
dans l’axe de la main du Christ, Le Caravage a représenté une fenêtre dont le volet est ouvert. Les meneaux en forme de croix seraient-ils une allusion à la croix, à la mort et à la résurrection du Christ -> message de grâce, de pardon?
L’article tiré de la revue, maintenant. Civiltà Cattolica (revue jésuite, fondée à Naples, 1re parution 1850). Sa rédaction remonte à août 2013, quelques mois après l’élection du pape François (13.03.2013). Vous vous demandez peut-être pourquoi parler du Saint Père dans ce culte. C’est qu’il y a un lien très intéressant entre le tableau et l’élection de ce pape.
Assez au début de l’entretien que le pape accorde au journaliste (le réd. en chef), celui-ci lui demande :
« Qui est Jorge Mario Bergoglio ? » – l’identité du pape
Voici ce que le journaliste écrit dans l’article: Le pape me fixe en silence. Je lui demande si c’est une question que je suis en droit de lui poser… Il acquiesce et me dit: « Je ne sais pas quelle est la définition la plus juste… Je suis un pécheur. C’est la définition la plus juste… Ce n’est pas une manière de parler, un genre littéraire. Je suis un pécheur. » Le pape continue de réfléchir, absorbé, comme s’il ne s’attendait pas à cette question, comme s’il était contraint à une réflexion plus approfondie. (…) “La meilleure synthèse, celle qui est la plus intérieure et que je ressens comme étant la plus vraie est bien celle-ci: Je suis un pécheur sur lequel le Seigneur a posé son regard. » Il poursuit : « Je suis un homme qui est regardé par le Seigneur. (…) Venant à Rome j’ai toujours habité Via della Scrofa. De là, je visitais souvent l’Église de Saint Louis des Français, et j’allais contempler le tableau de la vocation de Saint Matthieu du Caravage. » – « Ce doigt de Jésus… vers Matthieu. C’est comme cela que je suis, moi. C’est ainsi que je me sens, comme Matthieu ». Soudain, le pape semble avoir trouvé l’image de lui-même qu’il recherchait : « C’est le geste de Matthieu qui me frappe : il attrape son argent comme pour dire : – Non, pas moi ! Non, ces sous m’appartiennent! Voilà, c’est cela que je suis: un pécheur sur lequel le Seigneur a posé son regard. C’est ce que j’ai dit quand on m’a demandé si j’acceptais mon élection au Pontificat.»
Un témoignage du pape François remarquable d’humilité!
Combien de chefs d’Etat ou d’Eglise feraient aujourd’hui publiquement un tel aveu?
Quel est notre aveu? Avons-nous l’humilité nécessaire qui nous permet de reconnaître en nous ce “pécheur sur qui le Christ a posé son regard” ?Alors oui, nous sommes justifiés par la foi. Oui, nous sommes des grâciés. Mais nous sommes aussi et toujours des pécheurs … mais des pécheurs pardonnés sur lesquels Dieu a posé son regard comme dans le tableau du Caravage, comme pour Moïse, Esaïe, Jérémie, Pierre, André, Matthieu et tant d’autres. Le récit de la vocation de Matthieu est en quelque sorte “l’exemple du maître”. Et il se termine par cette parole de Jésus : “Car je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs.” (chap. 9.13) En fait, chaque fois que quelqu’un répond à l’appel du Christ, nous nous retrouvons un peu dans la situation du tableau. A la différence près que nous nous trouverons quelque part entre la main du Christ et la main de celui qui est appelé. Les même hésitations seront présentes.
Quelles incidences l’ordre missionnaire pourrait-il avoir sur une situation d’après coronavirus ?
Nous nous trouvons aujourd’hui dans ce temps de redécouverte de ”la normalité” comme l’a désigné le conseiller fédéral Alain Berset. Une normalité qui n’en est pas encore tout à fait une, qui inquiète les uns et réjouit les autres. Temps d’insécurité, d’hésitation, mais aussi temps à inventer pour un futur meilleur. Bertrand Piccard, le grand aventurier, estime qu’il existe 3 solutions en temps de crise :
Y rester.
Arriver à retrouver l’équilibre précédemment perdu.
Gagner en compétence pour remonter plus haut qu’avant la crise.
Vous l’aurez deviné, c’est la 3e solution que ce champion des vols en haute altitude et de longue durée va choisir : Gagner en compétence pour remonter plus haut qu’avant la crise. Pour y parvenir, il faut développer des outils, des compétences, dit-il.
“Visez la recherche de ce nouvel outil, de cette nouvelle ressource, comme le but à atteindre. Vous ne vous trouverez plus à la dérive, mais au travail en train de construire quelque chose de nouveau. Vous sortez alors du rôle de victime pour devenir acteur de la reconstruction. Et Piccard précise : L’étymologie du mot « crise » nous encourage dans ce sens. Chez les Grecs anciens, le mot « krisein » invite à choisir, juger, prendre une décision. N’est-ce pas réconfortant de comprendre la crise comme une décision à prendre plutôt qu’une longue lamentation ?
Mettre dans notre caisse à outils pour le quotidien, des comportements, des paroles, des regards bien sûr critiques mais positifs. Voilà qui nous permettra de rebondir. (➛ résilience) Des regards critiques, cela veut dire avoir les yeux ouverts sur ce qui se passe autour de nous, dans notre monde et ne pas accepter les injustices et la lente évolution d’une destruction programmée si rien ne change. Etre positifs, c’est témoigner de la reconnaissance pour ce qui se fait de bien, c’est s’encourager et stimuler les autres à prendre des décisions là où les situations doivent changer et manifester du respect pour toutes les personnes que nous côtoyons, même celles qui ne peuvent plus respirer parce que quelqu’un, au propre ou au figuré, les a immobilisés, un genou appuyé sur leur gorge. (actu mort de George Floyd )
Je reviens brièvement au texte de Matthieu 28. Jésus apparaît donc aux disciples sur la montagne où ils leur avait donné rendez-vous, comme un nouveau Moïse transmettrait ses lois depuis un nouveau Sinaï, en Galilée, ce district ouvert vers les nations (Es. 8.23 / Matth. 4.15-16). Et étonnamment, le texte nous présente ces disciples – ou en tous cas “certains d’entre eux” – comme des hommes en proie au doute. Foi et doute ne s’excluent pas l’un l’autre semble nous dire Matthieu. C’est plutôt le contraire qui est vrai: la foi a besoin du doute pour devenir plus profonde, pour s’affermir. Cela nous rappelle le verset de l’année (Mc 9.24) où le père de l’enfant possédé témoigne de sa foi mais demande à Jésus, dans la même foulée, de venir au secours de sa foi.Jésus révèle ensuite aux disciples l’universalité de son autorité “Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre.” (v. 18b), et il termine en leur adressant l’ordre de mission lui aussi universel (v. 19-20a) et la promesse de sa présence quotidienne, perpétuelle. (v. 20b).
Je suis avec vous tous les jours … jusqu’à la fin des temps. Voilà une promesse dont il faut se souvenir à chaque moment de notre vie comme en cette période de crise. Lorsqu’au début de l’évangile (1.23) l’ange annonce à Marie qu’elle donnera naissance à un fils, il lui demande de l’appeler Emmanuel. Joseph lui donnera en fait le nom de Jésus. Pourquoi avoir changé? Mystère!? C’est ici, dans le dernier chap., au dernier verset qu’une la réponse nous est donnée : Dieu est définitivement «Dieu avec nous» (= «Emmanuel»). Le Ressuscité reprend ainsi le “Je suis avec toi” que Dieu avait adressé à Moïse et à Josué (cf. Ex 3,12; Jos 1,5). Mais ce que le Christ dit là rappelle également une autre promesse faite au cours de son ministère terrestre : «Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux» (Mt 18,20). Je suis avec vous tous les jours … jusqu’à la fin des temps : on pourrait comprendre cela comme des paroles d’adieu ou des paroles de réconfort, mais je vous invite à les recevoir comme un équipement nécessaire à notre mission. Alors, mettons-nous en marche, il est proche de nous, sa présence nous rassure et nous encourage. Vivons concrètement les préceptes du Christ dans ce monde où il nous envoie pour entrer en relation avec notre prochain !
Amen.
Prière : L’art des petits pas
Seigneur, apprends-moi l’art des petits pas. Je ne demande pas de miracles ni de visions, mais je demande la force pour le quotidien !
Rends-moi attentif et inventif pour saisir au bon moment les connaissances et expériences qui me touchent particulièrement.
Affermis mes choix dans la répartition de mon temps. Donne-moi de sentir ce qui est essentiel et ce qui est secondaire.
Je demande la force, la maîtrise de soi et la mesure, que je ne me laisse pas emporter par la vie, mais que j’organise avec sagesse le déroulement de la journée.
Aide-moi à faire face aussi bien que possible à l’immédiat et à reconnaître l’heure présente comme la plus importante.
Donne-moi de reconnaître avec lucidité que la vie s’accompagne de difficultés, d’échecs, qui sont occasions de croître et de mûrir.
Fais de moi un homme capable de rejoindre ceux qui gisent au fond.
Donne-moi non pas ce que je souhaite, mais ce dont j’ai besoin. Apprends-moi l’art des petits pas !